Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
blogs de Médiapart
Narcisse ou la République
Albin Wagener Enseignant-chercheur en analyse de discours et communication
Article mis en ligne le 25 mai 2021

La décision du Conseil Constitutionnel de revenir sur une partie de la loi Molac, concernant la prise en considération des langues régionales, n’est que la suite d’une longue litanie de postures dogmatiques sur la diversité linguistique et culturelle en France – et plus largement, sur la place qui lui est accordée au sein de la République.

Alors que nous sommes plusieurs dans le monde à porter le Manifeste pour la diversité bioculturelle*, afin de préserver les langues et cultures dans le monde en lien avec la biodiversité, la République française s’illustre une fois de plus par son caractère monomaniaque. Le 7 mai 1999 déjà, la France signait la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, mais sans jamais la ratifier. Le projet de loi qui devait alors voir le jour, suite à la signature de cette Charte, avait été déclaré anticonstitutionnel par le Conseil d’Etat en 2013, puis rejeté par le Sénat en 2015. A partir du moment où l’article 2 de la Constitution implique que « la langue de la République est le français », on a beau jeu de se raccrocher au poids du droit, comme s’il était immuable, pour s’enferrer dans une vision nationaliste d’un autre temps.

La France a toujours eu un problème avec la diversité linguistique. L’ensemble de son histoire le document abondamment, quand d’autres Etats européens ont toujours su tirer profit de cette richesse, malgré les cahots des époques. Mais en France, il n’y a qu’une seule langue digne d’être parlée et utilisée. De surcroît, cette langue est sacralisée par des institutions, comme l’Académie française qui, bien que fréquemment tournée en dérision, n’en reste pas moins un formidable pilier conservateur que l’on écoute bien trop, au mépris des usages. Fort heureusement, les langues vivent en dépit du rôle que ces institutions voudraient qu’on leur donnât. Mais que dire lorsque les langues de France se retrouvent mises de côté ?

Et par langues de France, je n’entends pas seulement les langues régionales, qui méritent qu’on les soutienne et qu’on les porte, dans toutes leurs diversités. J’entends également les langues de migration qui ont le bonheur de jalonner notre pays : je pense au portugais ou à l’italien qui défrayaient également la chronique en leur temps, mais également à l’arabe, aux langues dites créoles et à la multiplicité de langues d’Afrique qui se retrouvent ici, vivantes, riches, parlées et écrites. Mais qu’importe, quand notre espace politique est plus occupé à faire la course à la dérive nationaliste, que d’accueillir et de reconnaître les femmes et les hommes, en toute dignité, dans toute leurs diversités et leur commune humanité.

Mais ce problème de reconnaissance linguistique n’est qu’un symptôme parmi d’autres, et quand on y regarde de plus près, on se rend compte que le même problème vaut pour les cultures qui ne rentreraient pas dans l’écrasant corset du dogme républicaniste. (...)

Alors que nous sommes plusieurs dans le monde à porter le Manifeste pour la diversité bioculturelle*, afin de préserver les langues et cultures dans le monde en lien avec la biodiversité, la République française s’illustre une fois de plus par son caractère monomaniaque. Le 7 mai 1999 déjà, la France signait la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, mais sans jamais la ratifier. Le projet de loi qui devait alors voir le jour, suite à la signature de cette Charte, avait été déclaré anticonstitutionnel par le Conseil d’Etat en 2013, puis rejeté par le Sénat en 2015. A partir du moment où l’article 2 de la Constitution implique que « la langue de la République est le français », on a beau jeu de se raccrocher au poids du droit, comme s’il était immuable, pour s’enferrer dans une vision nationaliste d’un autre temps.

La France a toujours eu un problème avec la diversité linguistique. L’ensemble de son histoire le document abondamment, quand d’autres Etats européens ont toujours su tirer profit de cette richesse, malgré les cahots des époques. Mais en France, il n’y a qu’une seule langue digne d’être parlée et utilisée. De surcroît, cette langue est sacralisée par des institutions, comme l’Académie française qui, bien que fréquemment tournée en dérision, n’en reste pas moins un formidable pilier conservateur que l’on écoute bien trop, au mépris des usages. Fort heureusement, les langues vivent en dépit du rôle que ces institutions voudraient qu’on leur donnât. Mais que dire lorsque les langues de France se retrouvent mises de côté ?

Et par langues de France, je n’entends pas seulement les langues régionales, qui méritent qu’on les soutienne et qu’on les porte, dans toutes leurs diversités. J’entends également les langues de migration qui ont le bonheur de jalonner notre pays : je pense au portugais ou à l’italien qui défrayaient également la chronique en leur temps, mais également à l’arabe, aux langues dites créoles et à la multiplicité de langues d’Afrique qui se retrouvent ici, vivantes, riches, parlées et écrites. Mais qu’importe, quand notre espace politique est plus occupé à faire la course à la dérive nationaliste, que d’accueillir et de reconnaître les femmes et les hommes, en toute dignité, dans toute leurs diversités et leur commune humanité.

Mais ce problème de reconnaissance linguistique n’est qu’un symptôme parmi d’autres, et quand on y regarde de plus près, on se rend compte que le même problème vaut pour les cultures qui ne rentreraient pas dans l’écrasant corset du dogme républicaniste. (...)

Glottophobie, racisme, islamophobie, antisémitisme et xénophobie sont les symptômes d’une même maladie : ce narcissisme congénital qui condamne la France au républicanisme, à la glorification de son propre nombril, à la cécité concernant ses nombreuses zones d’ombre, au mépris des populations qui ont été écrasées par ses choix politiques. C’est ce narcissisme républicaniste qui nous condamne à accepter sans réserve le culte napoléonien, à ne pas voir dans la Commune un admirable soubresaut populaire, ou encore à faire de l’abolition de l’esclavage un simple détail de l’Histoire. Ce faisant, Narcisse Républicain est plus occupé à se pâmer devant l’absolue beauté de ses propres principes, comme les droits de l’Homme, plutôt que de s’activer à les appliquer sur son propre territoire.

Le combat des langues régionales, de la diversité linguistique, c’est aussi celui de la place de l’arabe en tant que langue française, de l’islam en tant que religion de France, comme tant d’autres relligions qui ont tout autant leur place ici. C’est aussi celui de la difficulté d’accepter la diversité culturelle autrement que par un réductionnisme folklorique. (...)

La République Française méprise, écrase, discrimine et menace tout ce qui ne rentre pas dans l’imposition de ses institutions. Elle préfère ses idéaux quand ils sont théoriques, portés loin d’elle, colportés avec hypocrisie pour condamner les pratiques de régimes autoritaires dans le monde ; elle les déteste chez elle, quand il faut les appliquer sur son sol, autrement que par des formules laconiques, des clichés qui confinent à l’extrémisme d’Etat, ou des cécités glaçantes qui empêchent les individus de vivre. Et d’être des femmes et des hommes, des citoyennes et des citoyens, tout simplement.

le Manifeste pour la diversité bioculturelle.
(...) A travers ce manifeste, nous reconnaissons que biodiversité et diversité culturelle sont intimement liées et interconnectées. D’après de récentes études scientifiques, la diversité bioculturelle est en net déclin tout autour du globe – et ce même si plusieurs Etats ont mis en place des lois et des stratégies afin de protéger la biodiversité existante. En tant que signataires, nous estimons que les actions entreprises pour cette cause restent insuffisantes. Nous affirmons également qu’il y a urgence à agir face au fait que la diversité linguistique et culturelle est en train de disparaître dans un même mouvement.

Ce manifeste essaie de rendre visible la manière dont nous produisons ces interconnexions, et également de développer des façons de contribuer de manière positive à la préservation de la complexité des communautés qui existent tout autour de nous ; l’objectif est d’avancer vers un futur durable et un monde au sein duquel plusieurs univers peuvent coexister. Pour cela, nous souhaitons décrire les connexions systémiques qui relient, aux niveaux mondial et local, la disparition de la diversité bioculturelle. (...)

Il est urgent, dans nos sociétés, d’encourager la compréhension, la prise de conscience et la réflexion critique concernant les rapports entre culture, langue et diversité (...)