
L’hebdomadaire The Economist se demande en couverture cette semaine si la Chine et le Japon pourraient se faire la guerre autour de la possession d’îlots perdus en mer de Chine. Et c’est une petite tortue de mer qui répond dans un coin de la une : « Hélas, oui. »
(...) c’est surtout l’invasion japonaise de la Mandchourie en 1931, puis du reste de la Chine dans les années suivantes, prélude au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, qui reste le souvenir historique le plus douloureux, avec son cortège de massacres comme à Nankin en 1937, ou les expérimentations biologiques et bactériologiques sur des prisonniers menées par l’armée impériale nippone.
Après la victoire des forces communistes de Mao Zedong en 1949, il faudra attendre 1972, il y a quarante ans précisément dans quelques jours, le 29 septembre, pour que les deux pays établissent des relations diplomatiques, dans la foulée de la visite historique de Richard Nixon à Pékin. (...)
Depuis une dizaine d’années, la mémoire de la guerre empoisonne ces relations, notamment quand le premier ministre Nakasone se rendait chaque année au mémorial de Yasukuni, à Tokyo, où sont honorées les âmes des morts pour le Japon, y compris des criminels de guerre condamnés par le Tribunal de Tokyo après la guerre.
Régulièrement, spontanément ou instrumentalisés, les Chinois se mobilisent contre le Japon, même si ces campagnes n’ont jamais connu l’ampleur de celles de 2012 (...)
Les années 2000 ont vu un véritable grand bond en avant chinois, tandis que le Japon s’enfermait dans la stagnation et le vieillissement. L’inévitable s’est produit l’an dernier, lorsque la Chine a détrôné le Japon comme deuxième puissance économique mondiale, derrière les Etats-Unis. Un traumatisme national.
Une situation d’autant plus délicate que le vieillissement de la population japonaise rend nécessaire le recours à l’immigration, mais l’arrivée massive de Chinois a de quoi inquiéter les Nippons.
L’essor économique chinois au cours de la première décennie du XXIe siècle, et en particulier aprèsla crise financière de 2008 que Pékin a surmontée plus vite, s’est doublé d’une assurance accrue sur le plan diplomatique, et de l’émergence d’une puissance militaire nouvelle, en particulier sur les mers. (...)
Sans hasard, ce dimanche, en pleine crise avec le Japon, la marine chinoise a pris livraison de son premier porte-avions, tout un symbole, dans l’une des régions du monde qui dépensent le plus en armement. (...)
Signe de la méfiance entre les deux pays, la Chine a tout fait pour bloquer la moindre réforme de la composition du Conseil de sécurité de l’ONU, celle-ci prévoyant l’élargissement des membres permanents – dont fait partie la Chine – au Japon.
C’est d’ailleurs lorsque cette proposition a été avancée, au début des années 2000, que les premières manifestations nationalistes ont été relevées en Chine, ainsi qu’une pétition d’un million de signatures.
Depuis dix ans, les relations n’ont jamais été « normales » sur le plan politique et diplomatique, sans jamais gêner, toutefois, les rapports économiques. (...)
La dépendance japonaise n’est pas seulement sensible dans les chiffres du commerce extérieur : elle est totale dans l’importation des « terres rares », indispensables à la fabrication d’éoliennes, d’écrans plasma ou de téléphones portables.
En 2010, lors d’une période de tension précédente, la Chine, qui a le quasi-monopole mondial de ce minerais à l’heure actuelle et pour quelques temps encore, a fortement réduit ses exportations de terres rares au Japon, pesant sur sa production économique. (...)
avec des bateaux qui entrent dans les eaux territoriales de l’autre, avec des opinions chauffées à blanc de part et d’autre, il existe toujours le risque d’un engrenage conduisant à un affrontement armé. Ce scénario guerrier n’est pas le plus probable, malgré les clameurs des deux parties, mais il n’est pas impossible.
Un clash sino-japonais aurait des répercussions considérables sur l’Asie et le monde car :
– la Chine, puissance montante, a des contentieux avec la plupart de ses voisins (Vietnam, Philippines, Taïwan...) ;
– les Etats-Unis restent la première puissance militaire d’Asie, sont liés par un pacte militaire avec le Japon, et se posent en protecteurs de ceux qui redoutent la Chine ;
– la péninsule coréenne voisine reste explosive et sur-militarisée, avec une Corée du Nord détentrice de l’arme nucléaire. (...)