
Haro sur les accords du Touquet. A la suite du naufrage d’une embarcation dans la Manche qui a causé la mort de 27 personnes, mercredi 24 novembre, de nombreux responsables politiques et d’associations demandent la renégociation de ce traité signé en 2003 entre la France et le Royaume-Uni.
La signature de ces accords en 2003, survenue après la fermeture du centre de Sangatte en 2002, a permis de faciliter les contrôles frontaliers dans les ports de la Manche et de la mer du Nord, mais crée surtout un cadre juridique afin qu’agents français et britanniques puissent effectuer des contrôles dans les deux pays indifféremment. En contrepartie, Londres finance une partie de ces contrôles et la sécurisation des sites dans le Calaisis. En 2018, les deux pays avaient signé le traité de Sandhurst contraignant Londres à augmenter de 50 millions d’euros sa contribution à la sécurité de la frontière à Calais. (...)
Mais pour plusieurs responsables politiques et associations, ces accords sont devenus inefficaces et obsolètes depuis l’arrivée de milliers de migrants dans le nord de la France souhaitant rejoindre la Grande-Bretagne, mais également depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Avant que Londres ne quitte l’UE, le règlement de Dublin – qui prévoit que l’examen d’une demande d’asile se fasse dans un seul Etat membre, le plus souvent celui d’entrée sur le continent – pouvait justifier le « niet » du Royaume-Uni aux migrants de Calais. Désormais, le Royaume-Uni est un Etat tiers et le règlement de Dublin ne s’applique plus. (...)
« C’est honteux pour la France d’être réduite à cette opération de police »
« Je dénoncerai les accords du Touquet », a ainsi affirmé Jean-Luc Mélenchon, candidat de La France insoumise à l’élection présidentielle, jeudi 25 novembre, sur BFM-TV. « Nous n’avons pas vocation à être les gardes-barrières de l’Angleterre, à persécuter les gens ni à les pousser à des actes déraisonnables pour traverser, a-t-il expliqué. Où veulent aller les gens : en Angleterre. Eh bien ils iront en Angleterre. » Le député des Bouches-du-Rhône souhaite plutôt « créer un couloir humanitaire pour que tous ceux qui veulent aller en Angleterre puissent le faire. On aidera les gens à traverser ». (...)
« On a un président de la République qui a dit il y a quelques années qu’il voulait renégocier les accords du Touquet. Rien n’a été fait et aujourd’hui c’est un concert d’hypocrisie, a pour sa part déplorer jeudi le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, sur Franceinfo. Il faut faire en sorte que les demandes d’immigration vers la Grande-Bretagne puissent être faites dans de bonnes conditions pour éviter ces drames. »
Pour le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Julien Bayou, il faut aussi « dénoncer ces accords du Tourquet », qui font des forces de l’ordre françaises « les gardes-frontières pour le Royaume-Uni » (...)
« Qu’est-ce que cela dit de notre société quand le gouvernement donne l’ordre aux forces de l’ordre de harceler les migrants, d’empêcher les associations de leur donner à manger, de mettre des coups de couteau dans les tentes pour que ces personnes ne puissent trouver refuge ? »
Partageant cette vision, Yannick Jadot, candidat d’EELV à l’élection présidentielle, est allé à Calais, vendredi 26 novembre, pour rendre hommage aux 27 morts. « La France a accepté de sous-traiter la question des réfugiés contre quelques dizaines de millions d’euros, c’est honteux pour la France d’être réduite à cette opération de police financée par la Grande-Bretagne », a-t-il déclaré sur place, en référence aux accords du Touquet. (...)
Unanimité à droite
A droite aussi, les candidats à l’investiture du parti Les Républicains réclament une renégociation avec le gouvernement britannique de ces accords du Touquet. (...)
L’auteur de l’ouvrage Immigration : ces réalités qu’on nous cache (Robert Laffont) propose également de « se poser la question » sur la mise en place en France par les Britanniques « de bureaux d’immigration et d’asile qui leur permettraient de faire le tri entre les migrants ayant de la famille aux Royaume-Uni, ceux dont la demande d’asile est fondée, et les autres ». « L’installation de ces bureaux permettrait d’organiser un flux d’immigration légale », estime-t-il.
De leur côté les associations plaident également pour une renégociation des accords du Touquet. (...)
A l’heure actuelle, le gouvernement français ne compte pas engager de discussions avec Londres pour revenir sur ces accords. « On peut se poser toutes les questions sur les accords, vous ne pourrez jamais changer ni la géographie, ni les équilibres géopolitiques, ni le désir de migrants qui ont envie de se rendre en Grande-Bretagne », a ainsi déclaré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, vendredi matin sur BFM-TV.