
Si les impacts sociaux de la colonisation ont déjà été fréquemment soulignés, il n’en est pas de même pour les effets que celle-ci a eu sur les milieux naturels. Pourtant, l’expansion du capitalisme à l’échelle planétaire, principalement par la violence et la coercition, a engendré des bouleversements écologiques sans précédent, tant du point de vue local que global.
La nature colonisée
Si une partie de ces derniers l’ont été bien malgré les instigateurs de l’expansion européenne (pensons aux transferts de plantes, d’animaux et de maladies entre les différents continents) |1|, l’imposition d’un modèle productiviste et capitaliste va être à la source d’un désastre écologique dont les conséquences se font sentir jusqu’à aujourd’hui. C’est en effet à cette époque que va débuter un processus de production sans limite, si ce n’est l’accumulation elle-même. Concrètement, cela va se traduire par l’imposition de monocultures impossibles à cultiver dans les régions tempérées du Nord ainsi que par l’exploitation jusqu’à épuisement des ressources minières et forestières des pays colonisés. Cette exploitation, qui sera un des facteurs du décollage économique de l’Europe, va entraîner dans les régions concernées un épuisement des sols, la destruction de l’habitat et la disparition d’espèces, une déforestation massive ainsi qu’une vulnérabilité accrue aux aléas climatiques. On retrouve déjà cette constatation sous la plume d’Eduardo Galeano au sujet de la canne à sucre : « Le sucre a détruit le nord-est du Brésil. Cette région de forêt tropicale a été transformée en savane. Naturellement propice à la production alimentaire, elle est devenue région de famine. (...)
Les cinq derniers siècles de pillage portent ainsi en eux les germes de la crise écologique globale que nous connaissons. Si l’exploitation coloniale et ses conséquences environnementales sont aisément compréhensibles, on peut se demander pourquoi les indépendances n’ont pas mis fin à la situation. Or, le pillage mis en œuvre a perduré grâce à une arme aussi pernicieuse qu’efficace : la dette.
L’écologie de la dette
La dette va devenir la pièce centrale d’un néo-colonialisme, permettant aux grandes puissances (pays riches au service de leurs entreprises transnationales) de poursuivre l’accaparement du monde sans s’encombrer de la tutelle politique (...)
le système dette va aggraver la situation environnementale des pays du Sud de deux autres manières : la première est l’aggravation de la pauvreté, qui va contraindre des populations entières à pressurer leur environnement à des fins de survie ; la seconde, découlant de la première, est la prolifération des bidonvilles, dont la nature informelle va impacter considérablement les écosystèmes : destruction de l’habitat, rejets ménagers, absence de réseaux d’égouts efficients, … |6|. En bref, parvenir à dépasser l’impasse écologique dans laquelle une grande partie de l’humanité se trouve déjà ne pourra se faire sans remettre en cause le cadre économique créateur d’inégalités, d’exploitation et de gaspillage |7|. Suite à ce constat, on serait tenté de dire que, pour tout écologiste convaincu, l’annulation de la dette et la fin du néo-colonialisme devraient être parmi ses priorités |8|.