
Le géant pétrolier Shell est accusé dans un rapport de l’ONG britannique Platform d’alimenter au Nigeria une « guerre des gangs ». Les milliers de contrats « de sécurité », conclus pour la surveillance des infrastructures de la multinationale, auraient attisé une compétition acharnée entre bandes rivales. Et cela dans un contexte de marées noires dévastatrices permanentes, qui nécessiteront la plus vaste opération de nettoyage jamais réalisée au monde, selon les Nations unies.
(...) Une accusation fondée sur plusieurs contrats impliquant Shell dans la rémunération régulière de groupes armés. L’ONG pointe notamment un transfert d’un montant de 159 000 dollars en 2010 à l’un de ces groupes. En échange de ces financements, les bandes armées garantissent la protection des pipelines et le contrôle de l’accès aux infrastructures pétrolières. (...)
Depuis ses premières opérations au Nigeria en 1958, Shell est désormais très visible dans le delta avec près de 6 000 km de pipelines, 1 000 puits de pétrole et 90 sites pétroliers à surveiller.
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L’enquête met en lumière les conséquences de ces « arrangements », qui ont conduit à une compétition acharnée entre bandes rivales pour obtenir les contrats. « Shell accordait les contrats à ceux ayant le plus de pouvoir coercitif », relève Ben Amunwa, l’auteur du rapport. Des « contrats de sécurité » rendent les gangs « riches du jour au lendemain ».
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Le rapport révèle également l’implication du géant pétrolier dans des actes de violation des droits humains. Les communautés du delta du Niger vivant à proximité des installations pétrolières ne comptent plus les humiliations, attaques et tortures menées par les soldats armés et gardes en charge de la protection des infrastructures.
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Le ralentissement de l’extraction de pétrole est suivi par une forte répression militaire, qui s’accélère à partir de mai 1994. Après l’exécution du leader du Mosop, Ken Saro-Wiwa, la multinationale retourne sécuriser ses 112 puits de pétrole, escortée par une unité de soldats armés. « Shell ne s’est jamais préoccupée des gens qui mouraient. Elle n’a jamais rien fait pour appeler à un rétablissement de l’ordre. Au contraire, elle a fait appel aux forces militaires pour intimider la communauté », témoigne un représentant de la jeunesse locale, Matthew Chizi.
Aux check-points militaires disposés autour des installations vient s’ajouter la pollution des rivières et des terres cultivées, dont les communautés dépendaient. (...)
« L’étendue, la nature systématique des violations des droits humains par Shell appelle une réponse forte et concertée d’un large éventail de parties prenantes », conclut le rapport. Un appel a été adressé aux gouvernements des Pays-Bas et du Royaume-Uni, où se trouve le siège de la société, pour qu’ils s’assurent que des recours judiciaires soient accessibles aux victimes. Platform condamne également le gouvernement nigérian pour avoir échoué à protéger les droits de ses citoyens, et invite le Président, Jonathan Goodluck, à trouver des solutions politiques à la crise du Delta, au lieu de réponses militaires.
Pour Nnimmo Bassey, responsable de l’ONG Les Amis de la Terre, il est temps que Shell nettoie « après des décennies de marées noires dévastatrices, mette fin à la pratique illégale du torchage du gaz [1] et indemnise les victimes de violations des droits humains au Nigeria ». Autant d’exigences qui s’appliquent également aux autres compagnies pétrolières opérant dans la région. Avis aux multinationales comme Halliburton ou Daewoo, au Nigéria et ailleurs.
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