
Les low-tech, ces technologies de la débrouille, peuvent-elles changer le monde ? C’est le pari de Corentin de Chatelperron, ingénieur de formation, parti à la recherche d’inventeurs à travers le globe à bord de « Nomade des mers », entièrement équipé de ces technologies douces.
Objectif ? Aller, pendant trois ans, à la rencontre d’inventeurs qui développent ces technologies peu coûteuses, faites avec les moyens du bord, mais qui prétendent pourtant répondre aux grands dangers qui menacent la planète : malnutrition, déforestation, accès à l’eau potable… Chaque trouvaille est répertoriée sur le Low-Tech Lab, une bibliothèque en ligne fonctionnant à la manière de Wikipedia. Pour l’aider dans sa mission, Corentin n’est pas seul. Skipper, ingénieurs, ou bricoleurs curieux de participer au projet se relaient pour l’épauler selon les besoins du moment.
« Coco, c’est un peu un inventeur fou, s’amuse Élaine Le Floch, organisatrice d’expédition pour le Nomade des mers. Il est tout le temps en train d’inventer des choses, à condition qu’elles soient utiles aux gens et à la planète. » En 2009, à peine diplômé de l’Institut catholique d’arts et métiers de Nantes, Corentin est parti au Bangladesh travailler pendant plusieurs années sur un chantier naval. « C’était un super endroit d’un point de vue débrouille et système D », se rappelle-t-il [1]. Lui qui est « très branché Mac Gyver » se passionne pour cette forme d’ingéniosité. Là-bas, il a découvert le potentiel de la fibre de jute, une ressource naturelle locale pouvant être utilisée en remplacement de la fibre de verre dans la composition des bateaux.
« Valoriser les inventeurs de low-tech pour faire connaître leurs idées au grand public »
Pour tester sa découverte, Corentin est parti 6 mois en mer à bord d’un bateau composé entièrement de fibre de jute, une première mondiale. (...)
De cette expérience au Bangladesh, est née en 2013 l’association Gold of Bengal, fondée par Corentin et porteuse du projet Nomade des mers, ainsi que deux constats.
D’abord, dit-il, celui d’un « manque de connexions entre les gens qui inventent des solutions localement et les personnes qui, à l’échelle de la planète, pourraient en bénéficier ». À Madagascar, par exemple, où plus d’un tiers de la population est sous-alimentée, l’équipe du Nomade des mers étudie la spiruline, une microalgue à haute valeur nutritive qui ne demande que peu de ressources pour pousser. Seulement, et c’est là le deuxième constat, le manque de recherches sur les low-tech freine leur expansion. (...)
on pose une dernière question à Corentin : les low-tech peuvent-elles le changer, ce monde ? « Ça me paraît clair, oui, répond-il avec cette conviction douce qui le caractérise. 11 % de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable, plus d’un milliard de personnes à l’électricité. Près de 800 millions souffrent de malnutrition. Pour tous les besoins de base, il y a énormément de gens en attente de solutions locales, pas chères et accessibles. Le déclic peut se faire maintenant. » Notamment grâce à internet qui, « arrivé à maturité, peut jouer un grand rôle », aime à croire Corentin, qui finit par lâcher, comme une évidence : « La révolution low-tech est en marche. »