
Dans un communiqué cinglant, l’Insee et deux caisses de Sécurité sociale répondent aux extrapolations d’une mission parlementaire sur la fraude sociale.
Ils se sont mis à quatre pour tenter de bloquer la désinformation. En effet, les premières conclusions de l’enquête parlementaire sur la fraude sociale en France, présentées mercredi par la députée Carole Grandjean (LREM) et la sénatrice Nathalie Goulet (UDI), ont eu les honneurs du journal de 20 heures : « 84,2 millions de personnes réputées en vie sont inscrites dans le Répertoire national d’identification des personnes physiques [RNIPP] de l’Insee », s’alarme leur rapport, soit 17 millions de plus que le nombre de Français au dernier recensement. Plus ahurissant encore, selon les parlementaires : 3,1 millions d’entre elles, de plus de 100 ans, sont déclarées en vie, quand les chiffres officiels de l’Insee ne recensent que 21 000 centenaires en France ! La fraude, à les en croire, serait massive, et coûterait des milliards aux finances publiques : entre 3 et 10 % des prestations versées, soit entre 13,5 et 45 milliards d’euros, estiment-elles, citant une étude universitaire. (...)
Le problème, c’est que ces chiffres sont faux, ou mal interprétés. L’étude universitaire mobilisée, et dont les résultats sont appliqués à la France, compile des données récoltées dans dix pays, dont… la Zambie !
Cartes vitales
Dans un long communiqué, les organismes de sécurité sociale et l’Insee rappellent donc quelques évidences : « L’attribution d’un numéro de sécurité sociale [un NIR] est uniquement un prérequis qui ne permet pas à lui seul de bénéficier de prestations. » Ce numéro, strictement administratif, permet de certifier l’état civil de toute personne née en France, ou y ayant un jour résidé. (...)
La différence entre le nombre d’inscrits et le nombre de Français n’a donc rien de surprenant.
Par ailleurs, comme les personnes ne peuvent être mentionnées comme décédées que « sur la base d’actes civils officiels », il est logique de retrouver autant de centenaires dans le fichier : depuis sa création en 1945, des millions de personnes sont reparties et sont mortes dans leur pays, sans que leur décès soit déclaré à l’administration française. La « fraude » induite, si elle peut exister, apparaît limitée : au 30 avril 2019, seuls 13 605 centenaires percevaient, en France, une pension de retraite du régime général, et 1 517 pensionnés de plus de 100 ans étaient recensés à l’étranger. Quant aux fraudes à la carte vitale, serpent de mer repris par les parlementaires, le nombre de cartes actives recensé par la Cnam, 59,4 millions à la fin 2018, apparaît cohérent avec la population totale. La dénonciation récurrente de l’absence de contrôle pique au vif les instances, qui évoquent « les audits réguliers » réalisés et le renforcement constant des mesures antifraudes. (...)