
Membre fondateur des Faucheurs volontaires d’OGM, Jean-Baptiste Libouban est un chantre de la non-violence qui a participé, du Larzac à l’antinucléaire, à de nombreuses luttes écologistes. Il revient sur un demi-siècle d’engagement. Une expérience inspirante pour des combats d’actualité.
(...) Jean-Baptiste Libouban – Colonisation, traite des noirs, industries ultra-polluantes, accidents nucléaires : il n’est pas besoin de chercher loin pour constater les crimes que les cols blancs (politiques, militaires, patrons des multinationales, etc.) n’ont cessé de commettre depuis des siècles. Quant aux juristes et scientifiques, ce n’est que trop évident qu’ils servent à cautionner ou stimuler les activités prédatrices des grandes multinationales, qu’il s’agisse par exemple de la vente d’armes ou de l’importation d’OGM qu’on n’a pas le droit de cultiver en France. En ce sens, les accords du Tafta sont déjà en vigueur. La science appliquée prime de loin sur la science fondamentale, elle est utilisée aux seules fins de gagner des parts de marché, de le dominer. La raison technicienne s’exerce au profit de quelques-uns contre le bien commun. Nietzsche le disait déjà : « Ils leur ont promis le bonheur et entre eux, ils clignent de l’œil. » [1] (...)
Il est essentiel, si l’on veut construire un monde de paix, de faire tomber nos propres aridités, nos haines, d’arriver à comprendre l’autre et de l’aider à nous comprendre. La germination d’une nouvelle société passe par là. Je suis convaincu qu’elle pousse dans les failles du béton urbain. Comme chrétien, je suis tenté de dire que l’Esprit naît là, qu’il filtre à travers l’action des militants libertaires et autres dont je partage le refus du consentement à la servitude. La vie est plus forte que la mort et même si l’état de la planète est plus angoissant que jamais, nous pouvons inverser le cours des choses. Comme le dit Edgar Morin, « le pire n’est pas certain ». Et de citer ce beau proverbe turc : « Les nuits sont enceintes, mais nul ne sait le jour qui en naîtra. » (...)
Que représente Gandhi pour toi ?
Il est celui qui apporte la possibilité concrète de résoudre les conflits des hommes entre eux et de vivre en harmonie avec la nature. Cet apport est fondamental, c’est même la grande nouveauté du XXe siècle. La non-violence ne se réfère à aucune idéologie, à aucune religion, elle est transculturelle, c’est une façon d’agir qui découle d’une manière d’être, inspirée notamment par la conviction qu’il ne faut jamais prendre « l’adversaire » pour ce qu’il représente, ni le réduire à son rôle social, mais bien plutôt, essayer de voir d’abord en lui l’être humain digne, comme tel, de respect, aussi égaré ou néfaste soit-il. Cela ne veut pas dire qu’il faut être naïf, bien au contraire. Il y a par exemple des violences et provocations policières que nous devons repérer dans nos luttes. Au Larzac, j’ai ainsi vu un policier des Renseignements généraux lancer des pierres sur François Mitterrand, alors candidat à l’élection présidentielle. Ou, à Paris, en diverses occasions, des membres des services de police en cagoule jouer aux casseurs… Comme militants non-violents, il nous faut alors jouer fin pour éviter l’engrenage de la violence et nous interposer. (...)
Fondateur, en 2003, du collectif des Faucheurs volontaires d’OGM, t’es-tu inspiré de cette démarche non-violente ?
Absolument, et de son corollaire, la désobéissance civique.
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