
Depuis quinze jours, les épreuves communes de contrôle continu (E3C) ont été reportées ou perturbées dans près de 30% des lycées. Blocages, menaces de zéro, interventions de la police, reports… Un stress pour les élèves. Un casse-tête pour les proviseurs.
Blocages de lycées, départs de feu volontaire, sujets diffusés sur les réseaux sociaux, opération paillasson de parents d’élèves devant les établissements… Depuis le 18 janvier, la tension ne retombe pas autour des épreuves communes de contrôle continu (E3C) du nouveau bac voulu par Jean-Michel Blanquer. Le ministre de l’Education, qui assurait le 21 janvier que "dans l’immense majorité des cas", cela se passait "en toute sérénité", reste désormais silencieux, attendant la fin de la session pour dresser un bilan. (...)
Un climat de colère
Les enseignants opposés au nouveau bac, eux, ne désarment pas. En témoigne l’ambiance tendue, mercredi dernier, lors de leur réunion francilienne à la Bourse du travail. "On nous annonçait une simplification, au contraire, c’est le chaos !", tacle une prof d’histoire d’Epinay. "Refuser ces E3C, c’est une des dernières armes qu’on a", lâche un autre collègue. "Si les proviseurs veulent mettre des zéros, alors qu’ils corrigent aussi les copies !", grince un troisième. (...)
On se bat pour un bac national et le ministre nous renvoie à la figure qu’on est une minorité radicalisé (...)
Et les inquiétudes face à la réforme des retraites, ravivées depuis que le Conseil d’Etat a épinglé la référence à une future loi censée compenser la baisse des pensions, n’arrangent pas les choses. "Les collègues ont le sentiment qu’on a voulu les tromper. Nous sentons un climat général de colère", prévient Frédérique Rolet, la secrétaire générale du syndicat.
Du côté des familles, le stress monte. "Il y a des maltraitances d’enfants", assure Rodrigo Arenas, le coprésident de la FCPE, principale fédération des parents d’élèves, qui dénonce "la présence de policiers dans certains établissements, l’utilisation de gaz lacrymogène à certains endroits, des élèves placés en garde à vue, des lycées où l’on éteint les alarmes incendies". Il évoque également des proviseurs prêts à scruter les réseaux sociaux privés ou les images de vidéosurveillance pour traquer les fauteurs de troubles.
La menace du zéro
Au cœur des débats : les menaces de zéro qui planent sur les élèves absents lors des E3C. "Illégal !", selon certains professeurs. "Le régime du zéro n’est pas le même à un contrôle pendant l’année et à un examen, précise cependant Valérie Piau, avocate spécialiste en droit de l’éducation, auteur d’un guide sur les droits des élèves et parents d’élèves. Il est possible de mettre un zéro à un examen en cas d’absence injustifiée". Pour les E3C ? "Il n’y a pas de jurisprudence, reconnaît-elle. Mais ça devrait suivre ce régime puisqu’il s’agit d’une épreuve du bac." (...)
Reste à savoir, dans chaque cas, si l’élève a volontairement sécher l’examen ou s’il n’a pas pu le passer en raison des contestations… "Si des élèves ont dit qu’ils approuvaient le mouvement de grève sur les réseaux sociaux, c’est leur liberté d’expression, ça ne veut pas forcément dire qu’ils ont ensuite refusé de passer les épreuves", prévient l’avocate. Pour les chefs d’établissement chargés d’évaluer les différentes situations, ça risque de tourner au casse-tête…
Au ministère de l’Education, on assure qu’en cas de doute, celui-ci profitera aux élèves, qui se verront proposer une session de rattrapage. Et si le report s’avère impossible ? Il faudra alors voir à la fin de cette première série de partiels combien d’établissements et combien d’élèves sont concernés. Pour mémoire, face au boycott de certains correcteurs pour le bac de juin dernier, la rue Grenelle avait donné la possibilité de prendre en compte les notes de contrôle continu…
Une réunion le 11 mars
Plus largement, les problèmes rencontrés lors de cette première session d’E3C ont été évoquées la semaine dernière au comité de suivi de la réforme du bac. Les participants ont été invités à venir à la prochaine réunion, prévue le 11 mars, avec des propositions. Certains évoquent déjà quelques pistes : encadrer davantage l’organisation des épreuves, les simplifier (est-ce nécessaire de convoquer les élèves, d’étiqueter les tables ?), donner du temps aux enseignants pour qu’ils puissent se coordonner et choisir les sujets, laisser deux ans pour dématérialiser vraiment la correction de toutes les copies… (...)
Des mesures qui permettront peut-être de faciliter la deuxième série d’épreuves de contrôle continu, qui doit se dérouler au troisième trimestre. Mais tout le monde ne tombera pas nécessairement d’accord pour autant (...)