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Nouveaux OGM : un lien délétère entre réglementation et brevets
#OGM
Article mis en ligne le 21 décembre 2022
dernière modification le 20 décembre 2022

La possible absence d’obligation de traçabilité des « nouveaux OGM » par la Commission européenne conférerait aux brevets une portée injustifiée et délétère pour les paysans et les petits semenciers, mais également pour la biodiversité et l’alimentation.

En novembre 2019, le Conseil européen invite la Commission européenne (CE) à « soumettre une étude à la lumière de l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-528/16 concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union, et une proposition, le cas échéant pour tenir compte des résultats de l’étude » [1] [2]. Cette demande s’adresse à l’ensemble des directions juridiques de la Commission concernées par les OGM, y compris celles traitant des droits de propriété intellectuelle, notamment les brevets.

Seule la DG Santé de la Commission européenne a publié en réponse, le 29 avril 2021, un document, circonscrit aux aspects réglementaires [3]. Cette proposition de modification de l’actuelle réglementation européenne sur les OGM est claire : exempter partiellement ou totalement la mutagénèse dirigée et la cisgenèse, produisant des « nouveaux OGM », des exigences d’évaluation des risques, d’étiquetage et de traçabilité qui s’appliquent actuellement aux OGM. 
La réglementation impacte la sphère des brevets

Cette absence d’exigence de traçabilité des « nouveaux OGM » aurait plusieurs conséquences, peu mises en lumière par les experts et les médias. Elle affecterait notamment l’application du droits des brevets. La coordination européenne Via Campesina (ECVC) [4] a publié début novembre 2022 un rapport dénonçant ce lien de causalité entre réglementation OGM et droits des brevets [5]. Elle souligne que « la disparition de l’exigence de traçabilité [des nouveaux OGM] conduirait à une extension abusive de la portée des brevets, au détriment du secteur agricole garanti sans OGM et des droits des paysan.ne.s et des obtenteurs relatifs aux semences ».

L’industrie semencière craint le rejet des « nouveaux OGM » par les citoyens comme ces derniers avaient refusé, dans l’Union européenne, les OGM transgéniques au début des années 2000. Elle déploie donc beaucoup de moyens pour obtenir une déréglementation qui l’exonérerait de l’étiquetage [6]. Mais elle souhaite aussi s’affranchir d’une autre contrainte : devoir tracer les « nouveaux OGM » qu’elle produit. C’est ici que le sujet des brevets entre en jeu.

Ne pas exiger de l’industrie semencière la traçabilité des « nouveaux OGM » équivaut, en effet, à ne pas avoir à les distinguer de plantes exprimant des traits natifs comparables à ceux exprimés par ces mêmes « nouveaux OGM ». Ceci étendrait - d’une façon artificielle - la portée des brevets couvrant ces « nouveaux OGM » aux plantes porteuses de tels traits natifs qui pourraient cependant s’en distinguer si une traçabilité était prévue. (...)

Un effet délétère à différents niveaux

Le monde paysan, ainsi que les petits obtenteurs et sélectionneurs, seraient les premières victimes de cette nouvelle approche. Les moyens dont dispose l’industrie semencière en terme d’« innovation » et de valorisation - par dépôt de demandes de brevets notamment – ne sont en effet pas comparables à ceux de petites entités. Leurs approches sont aussi différentes : alors que ces dernières cherchent à identifier de nouveaux traits par croisement-sélection sans viser de protection brevet, l’industrie semencière découvre et numérise des séquences génétiques qu’elle associe à des caractères préexistants dits « natifs » [7]. Son potentiel informatique lui permet en effet de rapidement traiter des milliers de données, identifier de nouvelles informations génétiques brevetables, et programmer les manipulations génétiques destinées à obtenir de nouvelles semences sans avoir besoin de travailler sur une plante ou une semence physique. On peut à cet égard se poser la question de la brevetabilité de cette dernière approche, en particulier de la validité du critère d’activité inventive. La position de l’Office Européen des Brevets sur ce point est elle-même sujette à questionnements (...)