
Les travaux d’infrastructures financés par Pékin ont fait exploser la dette de nombreux Etats qui avaient voulu croire aux promesses d’un développement à la chinoise. Lancé il y a une décennie, le projet phare du président Xi Jinping montre des signes d’essoufflement.
Avec sa gare monumentale coiffée d’un toit évoquant celui d’une pagode et sa spectaculaire succession de viaducs et de tunnels, un nouveau chemin de fer semble avoir propulsé le petit Laos endormi dans l’ère des transports fluides, modernes, rapides. Un train au nez effilé rutilant de technologie raccorde, depuis décembre 2021, Vientiane, la capitale laotienne, au chef-lieu de la province chinoise du Yunnan, Kunming, situé à 1 400 kilomètres plus au nord. Pour cette nation enclavée de 7,2 millions d’habitants, c’est une révolution. Pour la Chine, il s’agit de la première ligne ferroviaire estampillée « nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative, BRI) construite, par elle, à sa frontière. Elle envoie un signal positif à la Birmanie et au Népal, où des chemins de fer sont à l’état de projet, tout en contribuant à installer Pékin comme centre de gravité de l’économie régionale.
La vitrine est clinquante, mais il y a aussi l’envers du décor. Les 6 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros de l’époque) qu’a nécessités ce chantier faramineux, financé en grande partie par la Chine, ont fait grimper la dette extérieure du Laos à 66 % de son produit intérieur brut (PIB), en 2021. A celle-ci pourraient s’ajouter des emprunts « cachés », susceptibles de doubler les créances de Vientiane à l’égard de Pékin. Dans le pays, d’autres initiatives chinoises sont désormais à l’arrêt, les belles infrastructures promises figées à l’état de carcasses industrielles, comme échouées dans les friches… (...)
A l’instar du Laos, nombre d’Etats à bas et moyen revenus vacillent aujourd’hui sous le poids de la dette. La Chine, dont l’image a été écornée depuis la crise liée au Covid-19, assiste au déclin de son pouvoir d’attraction dans les pays qui avaient voulu croire à ses promesses d’une modernisation « made by China ». Au point que se pose la question de l’avenir du projet phare de Pékin. Les « nouvelles routes de la soie », censées être une alternative à la mondialisation « à l’américaine », sont-elles en train de se transformer, ainsi que le suggère le quotidien japonais en ligne Nikkei Asia, en « route vers nulle part » ?
La « générosité » de la Chine – jusqu’à 85 milliards de dollars de prêts par an – a coûté cher à ses bénéficiaires. (...)