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OGM – Des experts peuvent cacher des lobbyistes
Article mis en ligne le 5 mars 2020

Les comités allemands, suisses et néerlandais d’experts sur les OGM demandent aux gouvernements de changer la loi européenne sur les OGM. Dans un courrier qui se réclament de la légitimité des « comités consultatifs sur la biosécurité » de 15 pays européens, ces experts n’apportent pourtant aucune donnée scientifique concrète ni nouvelle. Une prise de position politique qui flirte avec les limites du rôle attendu de ces comités.

En novembre 2019, à Berlin, certains des 28 comités d’experts européens se sont réunis durant deux jours pour échanger sur l’actualité des OGM. Comme Inf’OGM l’a déjà rapporté [1], le compte rendu de cette réunion précise que « la majorité des comités consultatifs est tombée d’accord sur la nécessité de changer la réglementation européenne sur les OGM » [2]. Une possible déclaration commune pour une « future réglementation raisonnable sur les nouvelles techniques moléculaires » était alors annoncée. Trois mois plus tard, une déclaration a effectivement été rendue publique.
Une lettre au nom du HCB, pourtant non consulté !

Le 6 février 2020, trois comités d’experts (SECB pour la Suisse, COGEM pour les Pays-Bas et ZKBS pour l’Allemagne) publiaient une lettre adressée à la Commission européenne. Signée de ces trois seuls comités, cette lettre est pourtant rédigée au nom « des Comités consultatifs européens sur la biosécurité » [3]. Rappelons qu’à la réunion de Berlin, en novembre 2019, ils étaient 65 participants venant de 15 pays européens. Mais les autres comités présents en novembre n’ont manifestement pas donné suite à cette déclaration. Interrogé par Inf’OGM, le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) nous a indiqué ne pas être signataire du courrier, précisant que les représentants du HCB présents lors de cette réunion de novembre 2019 « ne disposaient pas de mandat pour une signature ». (...)

Une demande politique d’experts scientifiques

Cette lettre, bien qu’adressée à la Commission européenne, interpelle les gouvernements européens. Les trois comités d’experts leur demandent « d’amender la réglementation OGM de manière à prendre en compte les développements scientifiques et l’expérience accumulée ». Une formulation générale, qui est précisée par la suite. Ils affirment ainsi que « l’édition du génome » peut conduire à de « petites mutations dans le génome d’organismes qui sont identiques en taille à des mutations naturelles ou des mutations induites par les mutagénèses utilisant des produits chimiques ou rayonnements mutagènes ». Selon leur déclaration, les signataires affirment que « les membres des comités consultatifs se sont accordés à considérer que la réglementation européenne actuelle sur les OGM est obsolète ». Ils estiment que la définition même de ce qu’est un OGM doit être changée et que cette réglementation actuelle ne prend pas en compte l’expérience d’évaluation sanitaire accumulée au cours des dernières décennies. (...)

Une affirmation technique non consensuelle

Finalement, cette déclaration étonne plus qu’elle n’éclaire le débat. D’une part, car elle ne fait pas état d’arguments scientifiques précis mais de considérations générales qui demandent à être crues sur parole. D’autre part, les experts européens de la détection et traçabilité ne se sont eux-mêmes pas montrés aussi catégoriques que les trois comités nationaux quant à la prétendue incapacité à différencier entre une PGM obtenue par une des nouvelles techniques de mutagénèse et une plante ayant une mutation naturelle par exemple. Ainsi, les scientifiques membres du réseau européen s’occupant de la détection et traçabilité des OGM ont publié en 2019 un rapport qui ouvrait au contraire la porte à la possibilité de différencier ces plantes, en utilisant d’autres méthodes que celles utilisées pour les contrôles administratifs en routine depuis vingt ans [4].

Enfin, concernant l’évaluation des risques qui serait disproportionnée quant à l’accumulation de connaissances depuis trente ans, les membres des trois comités nationaux signataires du courrier paraissent ignorer que le législateur européenne a déjà allégé cette évaluation en 2013 en offrant la possibilité de soumettre moins de données d’évaluation des risques selon la nature du produit, si de telles données sont jugées scientifiquement inutiles voire même s’il est techniquement impossible de les fournir [5] !

Cette prise de position a tout d’une déclaration politique plutôt que scientifique. Elle apparaît alors pour le moins décalée par rapport au rôle attendu d’un comité national d’experts. (...)

L’adresse des trois comités - allemand, suisse et néerlandais – étant par ailleurs produite en se réclamant d’autres comités d’experts nationaux non signataires, ce sont finalement surtout leur légitimité et leur intention qui interpellent. (...)

L’adresse des trois comités - allemand, suisse et néerlandais – étant par ailleurs produite en se réclamant d’autres comités d’experts nationaux non signataires, ce sont finalement surtout leur légitimité et leur intention qui interpellent.