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OGM : retour sur « l’affaire Séralini » et le journalisme scientifique
/n°7 de Médiacritique(s), le magazine imprimé d’Acrimed.
Article mis en ligne le 3 août 2013
dernière modification le 29 juillet 2013

Peut-être se souvient-on encore de la publication en septembre 2012 des résultats d’une étude du professeur Gilles-Éric Séralini et de son équipe concluant à la toxicité du maïs transgénique NK 603, des conditions de cette publication, de l’intense médiatisation qui s’en est suivie et des vives controverses qui l’ont entourée. (...)

Dans le cas de l’étude Séralini, non seulement les journalistes du Nouvel Obs, et quelques autres, ont reçu l’article avant leurs confrères mais cette faveur s’accompagnait d’une condition incompatible avec les modalités élémentaires du journalisme scientifique : ne pas recueillir l’avis d’autres scientifiques sur cette étude. Pourquoi ? « Pour éviter les pressions auprès de l’éditeur pour que l’article ne soit pas publié », se justifiera ensuite Séralini. Cet accord a provoqué l’ire de nombreux journalistes scientifiques en France et à l’étranger [1] L’Association des journalistes scientifiques a publié un communiqué pour rappeler les bonnes pratiques communément admises dans la profession. Même la revue Nature s’est fendue d’un éditorial très critique envers « l’offensive de relation publique » des auteurs de l’étude. (...)

Le résultat de cette clause de confidentialité est immédiat : l’absence de contrepoids se fait assez vite sentir dans le dossier du Nouvel Obs. Sur sept pages aucun avis contradictoire. D’abord, un article détaille les conditions de réalisation de l’étude : une recherche menée « comme un véritable thriller », « dans une quasi-clandestinité » avec des courriels cryptés « comme au Pentagone ». Ambiance.

Viennent ensuite les conclusions de l’équipe de recherche que le journaliste reprend à son compte, c’est-à-dire sans guillemets : « Tous les groupes de rats, qu’ils soient nourris avec le maïs OGM traité ou non au Roundup, l’herbicide de Monsanto (…) sont frappés par une multitude de pathologies lourdes au 13e mois de l’expérience. » Le journaliste est convaincu : « Pour les OGM, l’ère du doute s’achève. Le temps de la vérité commence. » (...)

Les images des trois rats déformés par des énormes tumeurs font effectivement le tour de la planète. Ou du moins des rédactions françaises : Ils « ont été nourris à partir de maïs OGM NK 603 traité avec l’herbicide Round Up, deux produits de la marque Monsanto. Ils ont développé des tumeurs », apprend-on dans la légende du Parisien. Le lien de cause à effet est laissé à l’appréciation du lecteur, plus sûr moyen de ne pas se tromper. On retrouve ces photos dans Le Monde daté du 21 septembre, Le Figaro, L’Humanité et Libération du 20 septembre. Les quotidiens régionaux aussi, comme DNA, les reprennent.

Le suivisme fait son œuvre. (...)

Le Monde nous apprend que la publication de l’étude, l’exclusivité accordée au Nouvel Obs, la parution simultanée du livre de Séralini et la diffusion du documentaire de Jean-Paul Jaud, ainsi que l’accord de confidentialité signé par les journalistes, « le tout a été orchestré par une agence de communication ». (...)

Les effets ambivalents d’une médiatisation

Quel rôle l’équipe Séralini a-t-elle fait jouer aux médias ? Et quel rôle ceux-ci ont-ils finalement joué ? (...)

le discours de Séralini revient finalement à exiger que s’imposent à l’évaluation scientifique des règles plus contraignantes et une plus grande transparence.

Et avec l’aide des médias, il semble avoir obtenu gain de cause puisque le 14 janvier 2013, l’Efsa a rendu publiques les données expérimentales – jusqu’alors tenues secrètes – que lui avaient livré les industriels pour l’homologation du maïs transgénique NK 603. (...)

Seul hic, cette victoire s’accompagne d’une vive contestation de la part de journalistes scientifiques et de chercheurs qui considèrent que la déontologie et la rigueur de leurs professions ont été plus que malmenées dans cette affaire. Le verdict des agences de sécurité alimentaire est sans ambiguïté. Les agences françaises et européennes ont toutes jugé les conclusions de l’étude non fiables. (...)

A la médiatisation outrancière d’études opaques (et grevées par des soupçons de conflit d’intérêt) a donc répondu la médiatisation fracassante d’une étude scientifiquement discutable. Le débat politique entre les pro-OGM et les anti-OGM peut-il être clarifié par de telles médiatisations ? Ce n’est pas certain. .