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Site personnel de Didier Eribon
"ON ASSISTE AU RETOUR DU REFOULé HOMOPHOBE"
Article mis en ligne le 17 décembre 2012

(...) Une question, simple, mais que beaucoup se posent : pourquoi le mariage ? D’ou vient cette revendication dans l’histoire dure du mouvement lesbien, gay bi et trans- (LGBT) ?

 On pourrait remonter loin dans le temps : Karl-Heinrich Ulrichs, le premier avocat de la cause gay, au milieu du XIXe siècle, évoquait déjà le droit au mariage pour les couples de même sexe ! C’est donc une aspiration très ancienne.

Mais pour s’en tenir à l’époque contemporaine, on peut désigner deux grands axes.

  • Le premier, c’est l’épidémie du sida : l’absence de reconnaissance juridique des couples produisait des situations affreuses, où l’on voyait la famille du malade interdire l’accès à la chambre d’hôpital à son compagnon, empêcher celui-ci de venir aux obsèques, le chasser de l’appartement occupé en commun etc. Les acteurs de la lutte contre le sida ont vite pris la mesure politique de ces drames intimes et ont intégré dans leurs combats la nécessaire instauration d’une telle reconnaissance.
  • Le second, c’est ce qu’on a appelé le « gay babyboom » et surtout le « lesbian babyboom » des années 1990. (...)

 Dans le discours des opposants, certaines images, certains arguments reviennent en boucle : le lien éventuel entre mariage/adoption et la pédophilie ou la zoophilie, l’interdit de l’inceste qui volerait en éclat, l’idée selon laquelle l’ordre naturel (« un papa, une maman ») sera bouleversé...Cela vous étonne ?

 Non, pas vraiment. Je constate au contraire une étonnante stabilité du discours homophobe puisque ce sont les mêmes termes que ceux que l’on entendait déjà à la fin des années 1990 à propos du Pacs ou bien en 2004 quand Noël Mamère a célébré à Bègles un mariage entre deux hommes. Les énoncés les plus répugnants sont hélas aussi les plus prévisibles :

on assiste en réalité à un déplacement sur le couple homosexuel et les familles homoparentales de la pathologisation qui frappait autrefois les individus dits « déviants ». Si on a parfois l‘impression en ce moment de se retrouver transportés plus d’un siècle en arrière, à l’époque du procès d’Oscar Wilde, c’est parce que le couple homosexuel porte aujourd’hui le poids des mêmes condamnations : étant « contre-nature », il contiendrait donc tous les maux et tous les dangers possibles, (...)