
Pas encore d’affolement, mais une préoccupation grandissante. L’association Anticor, qui depuis près de dix ans lutte contre la corruption et multiplie plaintes et recours dans les dossiers financiers, s’inquiète pour le renouvellement de son agrément ministériel. Une autorisation indispensable sans laquelle l’association ne pourrait plus intervenir dans la centaine de procédures où elle est impliquée et surtout sans laquelle elle ne pourrait plus en initier d’autres. Le dossier est entre les mains du Premier ministre Jean Castex qui doit se prononcer avant le 2 février.

De tels agréments sont à renouveler tous les trois ans. Après qu’une première demande s’est perdue dans les couloirs du ministère de la Justice cet été, une nouvelle est adressée à la fin septembre et dûment enregistrée le 2 octobre. L’administration a quatre mois pour répondre, faute de quoi la requête est considérée comme rejetée − un recours devant le tribunal administratif est possible. C’est ce délai qui s’achève le 2 février, sachant que l’agrément expire au 15 février. (...)
Affaires Ferrand, Kohler, Dupond-Moretti...
« Le ministère nous a demandé le nom des donateurs qui versent plus de 10 000 euros, au titre du critère d’indépendance de l’association, détaille Elise Van Beneden, la présidente d’Anticor. Ils ne sont que deux et ne représentent que 6 % de notre budget de 280 000 euros. Nous ne recevons aucune subvention publique, ni aucun don d’entreprise : nous sommes uniquement financés par les cotisations de nos 5000 adhérents ou des dons. » L’association a envoyé une attestation d’expert-comptable certifiant que l’un de ces généreux donateurs, qui refuse que son identité soit communiquée, est une personne physique domiciliée en France. (...)
Anticor est notamment à l’origine de la relance de l’affaire Richard Ferrand qui a valu au président de l’Assemblée nationale d’être mis en examen pour prise illégale d’intérêts en septembre 2019. Grâce à sa plainte avec constitution de partie civile, Anticor a également obtenu la réouverture de l’enquête sur le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler. Tous les dossiers ne sont cependant pas aussi médiatiques.
Même si la demande de renouvellement d’agrément est instruite par les services du ministère de la Justice, c’est à Matignon que reviendra la décision. Afin d’éviter tout conflit d’intérêts, les dossiers dans lesquels le nom du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti est cité ont été transférés au Premier ministre. (...)
Les délais « ne sont absolument pas inhabituels »
« Actuellement, l’instruction est en cours et nous sommes en attente des derniers éléments pour soumettre la décision au Premier ministre, explique-t-on à Matignon. Sans préjuger du fond, les délais seront respectés. » Selon une autre source gouvernementale, Anticor ne subirait aucune mesure dérogatoire. (...)
"sur le fond, il y a un paradoxe à ce que l’on doive demander au gouvernement l’autorisation de continuer à le contrôler et à porter plainte contre ses membres. On pourrait penser à un processus qui passe par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ou le Défenseur des droits."