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“On n’opère pas un enfant intersexe pour soulager l’angoisse de ses parents”
Article mis en ligne le 18 octobre 2018

Pour conformer les personnes intersexes à la norme, les médecins ne proposent souvent qu’une réponse définitive : le recours à la chirurgie. Suite à la diffusion du documentaire de Floriane Devigne “Ni d’Eve ni d’Adam. Une histoire intersexe”, le 16 octobre sur France 2, l’avocate Mila Petkova appelle à cesser les opérations.

vocate au barreau de Paris, Mila Petkova a cofondé l’association GISS-Alter Corpus, pour Groupe d’information et de soutien sur les questions sexuées et sexuelles. Elle milite pour que les personnes intersexes ne soient plus opérés – souvent dès leur plus jeune âge – pour les conformer aux stéréotypes physiologiques de la femme ou de l’homme.

Vous qualifiez les opérations chirurgicales d’assignation sexuée (choix d’attribuer un seul sexe à une personne intersexe) d’« infractions ». En quoi contreviennent-elles au droit français ?
En principe, porter atteinte à un corps humain est une infraction. Il existe évidemment des exceptions, notamment en cas de nécessité médicale. On peut couper une jambe si cela peut sauver une vie, s’il est prouvé que la balance bénéfice-risque est favorable au patient et s’il n’existe pas d’acte moins invasif. Or, les opérations d’assignation sexuée ne répondent à aucune nécessité médicale – les médecins eux-mêmes le reconnaissent – et sont lourdes de conséquences. On mutile des personnes avec des hormones et de la chirurgie ; puis l’on s’étonne que nombre d’entre elles aient besoin d’un lourd suivi psychologique, psychiatrique et médical, aient des difficultés pour trouver un emploi stable et construire une vie de famille, aient du mal à s’insérer socialement et adoptent des pratiques à risque. Quand elles ne songent pas au suicide. (...)à

l’autorité parentale ne leur donne pas droit à consentir à des actes illicites. Plutôt que de placer les parents dans une situation dans laquelle on leur demande de consentir à des actes illégaux sur leur enfant, le médecin devrait d’abord les rassurer sur l’état de santé de leur enfant et leur conseiller ensuite, si besoin est, de s’entourer eux-mêmes d’une aide psychologique, comme des conseils de personnes intersexes concernées. On n’opère pas un enfant pour soulager l’angoisse de ses parents.

En attendant, ces interventions demeurent couramment pratiquées.
Tant qu’il n’y aura pas un rappel officiel de la loi et des condamnations publiques et officielles, ces actes irréversibles, remboursés par la Sécurité sociale et codifiés comme des corrections d’ambiguïtés génitales, continueront en toute impunité. Malgré un rapport du conseil d’Etat (pages 129 à 142, ndlr), un autre du Sénat ou les prises de positions d’instances internationales comme l’ONU, le Conseil de l’Europe ou encore l’Union européenne qui les qualifie aussi de « mutilations génitales », les ministères de la Justice et de la Santé ferment les yeux. Quant aux procureurs, ils pourraient tout à fait poursuivre les médecins qui évoquent publiquement l’absence de nécessité médicale dans laquelle ils pratiquent ces actes. Mais ils ne le font pas. (...)

Certaines personnes ont été tellement abîmées qu’il y en aura probablement qui demanderont réparation. Mais la plupart, du fait de ce qu’elles ont subi, ont une telle défiance vis-à-vis des institutions qu’elles renonceront à faire appel à la justice et à faire face aux demandes d’expertises médicales. C’est si difficile de sortir du tabou. (...)

Quand on se rend compte que l’enfant à naître présente un risque d’état d’intersexuation, on propose à la femme enceinte un traitement lourd en termes de risques cardio-vasculaires, et interdit dans certains pays. Ou une interruption médicalisée de grossesse, qui ne se justifie évidemment pas, les variations du développement sexuel n’étant pas des pathologies. (...)

Il faut arrêter cette forme d’expérimentation humaine. On opère sans aucune visibilité sur le développement de l’enfant, sans savoir son genre, sans même savoir combien d’opérations seront nécessaires. En les opérant cinq, dix… cent fois, on en fait des personnes handicapées. Quel est le but ? Je me pose tous les jours la question.

Documentaire Regardez en replay “Ni d’Eve ni d’Adam, une histoire intersexe”