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On peut manger du quinoa sans mauvaise conscience
Article mis en ligne le 26 juillet 2018
dernière modification le 25 juillet 2018

En Occident, la passion pour le quinoa s’est flétrie quand les consommateurs se sont interrogés sur les conséquences environnementale et sociale de cette culture sur les hauts-plateaux andins. L’auteur de cette tribune explique pourtant pourquoi une demande mondiale bien choisie permet aux petits producteurs locaux de mieux vivre.

Manger ou ne pas manger du quinoa bolivien ? Telle est la question qui revient souvent. Certains voient en cet aliment le moyen de remplacer les protéines animales quand d’autres voient le coût carbone d’un aliment d’outre-Atlantique ou les injustices du marché pour les producteurs locaux.

Que de sujets pour un si petit grain. « Le grain d’or », comme ils le nomment ici à Challapata, petit village de l’Altiplano bolivien. Ici, à 3.700 mètres d’altitude, seuls le quinoa, la pomme de terre et l’élevage de lamas composent l’agriculture. Le maintien de ces activités est donc tout aussi fragile que primordial pour l’environnement comme pour les producteurs. Les réponses à nos questions européennes ne sont donc pas aussi manichéennes qu’il n’y paraît.(...)

« Acheter du quinoa fait augmenter les prix si bien que les Boliviens et même les producteurs ne peuvent plus se permettre d’en manger », entend-on souvent en Europe.

Boycotter le quinoa ne résoudra pas les problèmes
En trois faits, je souhaite répondre à ce préjugé et nous permettre de manger du quinoa en ayant bonne conscience :

Des habitudes culturelles. Pendant près de trois mois, j’ai sillonné l’Altiplano allant de familles en cantines populaires, de villes en campagnes et partagé de nombreux repas avec les Boliviens. Mais où sont donc les grains de quinoa ? Ils se font rares dans les menus. Est-ce donc si cher pour que personne n’en achète ? Les raisons sont plus complexes et principalement culturelles et historiques. Le quinoa est un aliment cultivé depuis plus de 5.000 ans, sur les hauts plateaux de la cordillère des Andes. À l’époque des sociétés précolombiennes, le quinoa avec les pommes de terre et le maïs étaient les aliments de base des populations locales.
« Mais les choses ont changé », commente Nelson producteur de quinoa et cogérant de la coopérative Anapqui. (...)

Si, aujourd’hui, les producteurs « gardent bien leur part » pour leur consommation familiale, à l’heure de l’uniformisation de la consommation, où les pratiques ancestrales sont rejetées pour des habitudes de consommation plus occidentales considérées comme « modernes », des aliments comme les pâtes ou le riz, pourtant de qualité nutritive moindre, sont préférés. Dès lors, le quinoa peine à trouver sa place sur le marché national bolivien.
De la notion de prix. L’idée selon laquelle l’envolée des prix des cours mondiaux aurait fait exploser la situation du marché du quinoa n’est pas une légende, mais elle tient à une date et un fait précis. En 2013, sous l’impulsion du gouvernement bolivien d’Evo Morales, l’Assemblée générale des Nations unies décréta l’année internationale du quinoa. Une démarche pavée de bonnes intentions sauf que… l’intérêt mondial pour le quinoa explosa. Les prix s’envolèrent (...)

Il faudrait « que le consommateur puisse non seulement localiser la parcelle, le producteur et la communauté mais aussi la méthode de production, pour améliorer l’information et ainsi lui permettre d’acheter en connaissance de cause ».
Si la vie sur l’Altiplano reste rude et précaire, la production de quinoa et son exportation permettent aux familles de producteurs de vivre de leur production. Aussi, boycotter le quinoa ne résoudra pas les problèmes. Mais à choisir d’en manger, nous pouvons soutenir les producteurs et la filière si nous consommons du quinoa, dans le cadre d’une alimentation diversifiée, qui réponde à des exigences écologiques et sociales. À chacun de chercher les origines des produits qu’il achète. C’est de notre responsabilité, c’est de leur pérennité.