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Le jour d’après
Le juge qui peut bloquer Donald Trump
Slate.fr
Article mis en ligne le 29 juin 2017

On se plaint souvent que les journalistes aiment parler des trains qui n’arrivent pas à l’heure : cette semaine, on va parler d’un train qui n’est pas parti du tout. Aux États-Unis, l’événement le plus important des derniers jours est en effet quelque chose qui ne s’est pas passé : un juge de la Cour suprême n’a pas annoncé qu’il partait à la retraite.

Anthony Kennedy, 81 ans en juillet, a été nommé à la Cour en 1988. Les juges sont théoriquement nommés à vie (l’un d’eux, Antonin Scalia, est d’ailleurs mort en fonctions l’an dernier) mais il leur arrive de démissionner passé un certain âge. Les rumeurs concernant le possible départ d’un ou l’autre juge sont donc récurrentes dans les médias américains, et beaucoup avaient récemment annoncé que Kennedy pourrait profiter de la fin de la session de la Cour, cette semaine, pour annoncer le sien. D’autant qu’il avait convié ses anciens clercs à dîner, comme pour une réunion d’adieu... Cela n’a pas été le cas, du moins pour l’instant.

Si cette possible démission, cette actualité au conditionnel, a fait la une de la presse américaine, c’est parce que Kennedy est sans doute le juge le plus important de la Cour suprême. Il fait partie des cinq, sur neuf au total, nommés par un président républicain, et donc théoriquement de la majorité conservatrice. Mais il s’est parfois associé aux quatre juges nommés par un président démocrate pour faire pencher la balance par 5 voix contre 4 en leur faveur. Au point d’être surnommé « président Kennedy » ou d’être moins aimablement qualifié il y a dix ans de « prostituée judiciaire » par un juge que Trump vient de promouvoir.

C’est par exemple lui qui, en juin 2015, a fourni le vote décisif à la légalisation du mariage gay, concluant sa décision sur les mots suivants : « [Les plaignants] demandent l’égalité aux yeux de la loi. La Constitution leur donne ce droit. » (Ce qui a poussé une organisation LGBT à le supplier dans une lettre ouverte de ne pas démissionner). En 1992 puis en 2016, il a fait partie des étroites majorités qui ont réaffirmé le droit à l’avortement. En 2008, il a rédigé la décision, prise par 5 voix contre 4, reconnaissant le droit à un traitement judiciaire équitable des prisonniers de Guantanamo, décision qui porte le nom d’un d’entre eux, Lakhdar Boumediene, depuis innocenté et installé en France. À plusieurs reprises, il a aussi, avec certains de ses confrères, apporté des restrictions à l’application de la peine de mort, au point d’être d’ores et déjà annoncé comme le vote décisif si un jour la Cour suprême décidait de l’abolir. (...)