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Quartiers XXI
Opération humanitaire ou rafle “de gauche” ?
Article mis en ligne le 10 juin 2015

Depuis plus d’une décennie, plusieurs campements précaires de migrants fleurissent aux alentours de la gare du Nord, à Paris. Entre répercussion des exodes d’Afghanistan, du Mali ou de Somalie, et espoirs d’un asile sûr outre-Manche ou dans l’Hexagone.
Mardi 2 juin, l’un de ces bivouacs de fortune, apparu depuis de nombreux mois, était évacué au petit matin, à grands renforts de moyens policiers… et de discours « sociaux ». Une expulsion parmi tant d’autres, dont l’objectif semble avant tout d’invisibiliser les indésirables.

(...) Ce 2 juin à l’aube, les garde-chiourmes montent donc à l’assaut pour faire place nette et disperser la misère.

Tout au long de la journée, radios et télés s’épancheront abondamment sur les préoccupations « humanitaires » qui auraient présidé à cette intervention. L’envoi à La Chapelle d’une douzaine de cars de CRS et des cogneurs en civil des BAC répondait strictement à une « exigence sanitaire », affirmait sur France Info Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, tandis que le président de France Terre d’Asile, Pierre Henry, se chargeait du service après-vente de la préfecture en assurant dans Libération : « C’est plus une opération sanitaire et d’accès aux droits que de police. » (...)

Sur place, la nature humanitaire de la descente de flics ne crève pas les yeux. La cavalerie déboule par surprise à l’aube vers 5 h 45, sans apporter de croissants ni avoir prévenu les campeurs. Ayant établi un périmètre sévèrement gardé par les CRS, elle entreprend d’éloigner d’abord du campement les quelques soutiens arrivés très tôt ou ayant passé la nuit sur place. Les bontés gouvernementales imposent que le théâtre des opérations soit vierge de tout témoin. Justin, un jeune photographe [1], se voit vigoureusement invité à dégager par un agent de la BAC qui lui donne du « fils de pute » parce qu’il a tenté de prendre des images. Pendant que les uns se font sortir, d’autres s’efforcent de rentrer : des migrants qui étaient partis faire un brin de toilette dans les environs se retrouvent bloqués à leur retour par les barrages policiers.
(...)

Réclamé par la mairie de Paris, le démantèlement du camp est une mesure de gentillesse et d’humanité prise dans l’intérêt de « ceux qui y habitent », susurre sur les ondes la ministre des Affaires sociales. La rafle sera humanitaire ou ne sera pas. Des membres d’Emmaüs et de France Terre d’Asile ont d’ailleurs été missionnés sur le campement jeudi dernier afin d’aider la maison poulaga à ne pas faire totalement n’importe quoi. « Diagnostic social individualisé », c’est la pompeuse appellation décernée à ce job préparatoire. Mairie de Paris et gouvernement ont donc sous-traité aux humanitaires le soin de trier le bon grain de l’ivraie. Les voici à nouveau au travail, reconnaissables à leur brassard vert – sans doute pour qu’on ne les confonde pas avec les policiers en civil.
(...)

Armé d’une écharpe à pompon républicaine, Pascal Julien, c’est son nom, annonce fièrement qu’à force d’insistance auprès des forces de l’ordre il a pu pénétrer le périmètre interdit et constater que « tout se passe bien ». Bravo ! Pas un seul coup de matraque pour faire monter les pauvres hères dans les charrettes préfectorales. Une rafle de gauche, on vous disait. L’élu tient tout de même à marquer son désaccord avec l’opération, qui ne « règle aucun problème » et consiste seulement à « fournir des hébergements très provisoires dans des foyers ou des hôtels sociaux éparpillés en région parisienne, et encore, ajoute-t-il, pas pour tout le monde ». Non sans audace, il admet que les socialistes se soucient comme d’une guigne d’héberger les migrants en transit et que leur politique consiste surtout à leur ôter toute envie de demeurer sur le territoire français – en veillant à les disperser dans la nature pour les rendre le moins visibles possible.(...)