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L’Humanité
PRÉCARITÉ. KÉVIN MEURT DE FROID... ET LA SOCIÉTÉ REGARDE AILLEURS
Article mis en ligne le 30 janvier 2019

Lourdement handicapé après un accident en 2017, un jeune habitant du Gers a été retrouvé dans un bungalow, un mois après sa disparition, en décembre 2018. Un drame qui jette une lumière crue sur l’abandon public des aidants familiaux.

C’est une tragédie intime, révélatrice des immenses difficultés de ceux qu’on appelle des « aidants familiaux », ces parents, enfants, frères ou sœurs qui doivent gérer la perte d’autonomie d’un de leurs proches. Habitante de Condom (Gers), Nathalie Caytan, 59 ans, fait partie de ces millions de Français qui ont vu leur vie bouleversée par le handicap d’un fils ou la dépendance d’un père. Cette ancienne veilleuse de nuit dans un Esat (établissement et service d’aide par le travail), elle-même en invalidité, vient de perdre son fils Kévin, 33 ans, dans des conditions atroces. Disparu à la mi-décembre en allant promener le chien de la famille, le jeune homme n’a été retrouvé qu’un mois plus tard, mort de froid dans un bungalow désaffecté du camping municipal. Dans une indifférence quasi générale.

« Kévin était redevenu un bébé »
L’histoire de ce drame signifiant commence en réalité en novembre 2017, quand Kévin, saisonnier dans la restauration, est violemment percuté par une voiture, devant l’hôpital de la commune gersoise. « Il n’a pas été touché physiquement, mais c’est la tête qui a tout pris », nous raconte Nathalie Caytan, au lendemain de l’enterrement de son unique enfant, lundi dernier. (...)

« J’ai dû tout lui réapprendre, il ne savait plus manger seul, se laver, s’habiller. Il avait perdu la notion du froid et du chaud, avait des troubles du langage… C’était redevenu un bébé. Sauf qu’il avait 32 ans et que moi, je n’en avais plus 25… »

Nathalie tente de trouver une structure d’accueil pour son fils en constituant un dossier auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et en demandant son placement sous tutelle. Si ce dernier est bien accepté, en mars 2018, aucune place ne semble pouvoir se libérer pour Kévin. « Il y a très peu de structures dans le Gers et la MDPH est constamment débordée. J’avais fini par trouver un accueil possible dans un centre privé, à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées). Mais c’est seulement le 2 janvier dernier qu’on m’a contactée pour me dire que le dossier de Kévin était accepté. Il avait disparu depuis trois semaines… » (...)

la maman n’a jamais pu voir le corps de Kévin, trop abîmé par plusieurs semaines d’abandon. « Je n’ai pas pu lui dire au revoir », glisse-t-elle. Le jour de sa découverte, Nathalie avait reçu un courrier de la MDPH lui annonçant que le taux d’incapacité de son fils était porté de 70 % à 90 %. Comme un symbole ultime du fossé entre les errances administratives et les douleurs de la vie.