
Raphaëlle Rémy-Leleu et Alice Coffin, élues écologistes au Conseil de Paris, ont dénoncé le choix de Christophe Girard au poste d’adjoint à la culture. Celui-ci a démissionné jeudi mais Anne Hidalgo et l’exécutif parisien n’ont pas voulu en rester là…
force est de constater qu’il existe un parallèle entre la bronca de l’exécutif parisien qui a suivi la démission de Christophe Girard et la défense organisée des activités pédophiles de Gabriel Matzneff : dans les deux cas, c’est la perpétuation de mécanismes de défense de classe qui est au cœur du problème. L’élite culturelle parisienne avait défendu Gabriel Matzneff comme aujourd’hui l’élite politique tout aussi parisienne défend Christophe Girard. Les intérêts de la nation ou de la lutte des classes ne sont plus au centre de la bataille politique, même à gauche : on défend son camp, comme dirait le préfet Didier Lallement. Point barre.
« Il ne suffit pas d’avoir un casier judiciaire vierge pour être adjoint à la mairie de Paris » rappelait Raphaëlle Remy-Leleu, l’une des deux élues écologistes qui réclamaient la démission de Christophe Girard. Considérant qu’il est victime d’une « justice de la rue, de la peur, de l’intimidation » qu’il compare à la Terreur et aux Comités de Salut Public, l’adjoint a pourtant démissionné, à la suite d’une manifestation devant l’Hôtel de Ville où des pancartes « Bienvenue à Pedoland » ont été brandies. Mais Anne Hidalgo n’a pas tenu à en rester là : elle s’est fendue d’un tweet exprimant son écœurement vis-à-vis de la situation de son ami Christophe et a ensuite décrété, par l’un de ses proches adjoints Rémy Féraud, que les deux élues EELV ne pouvaient plus faire partie de la majorité et qu’elle entendait entamer des poursuites judiciaires à l’encontre des organisateurs-trices de la manifestation.
Renversement des valeurs et des dominations
Si l’existence du lien Matzneff – Girard n’est pas en soi – et jusqu’à preuve du contraire ! –, une infraction à la loi, c’est la nomination de ce dernier qui ne passe pas en cela qu’elle est perçue, à raison, comme un affront aux féministes. (...)
Je passe, par pudeur, sur la bassesse des attaques qu’a du subir en particulier Alice Coffin, engagée de longue date sur les questions d’homophobie et de féminisme – et met sur le coup de la réaction un peu sanguine, certains tweets d’édiles parisiens qui puent la lesbophobie et ressemblent, à s’y méprendre, à des attaques dignes de l’extrême droite. Seul soutien affiché au Conseil de Paris pour les deux élues écologistes : Danielle Simonnet, conseillère La France insoumise, qui n’a pas hésité à les remercier pour leur combat, malgré leurs divergences politiques.
L’image délétère d’un entre soi bourgeois (...)
cette surface médiatique des multiples soutiens de Christophe Girard, c’est aussi la résultante de près de vingt ans de pouvoir municipal : même le préfet Didier Lallement y est allé de son bon mot ! L’image d’entre soi qu’il en ressort est d’une violence qui n’a d’égale que la violence que les ami-e-s de l’ex-adjoint ont déployé à l’encontre des élues écologistes. Paradoxalement d’ailleurs, l’exécutif municipal parisien a généré un blacklash (retour de bâton) à l’endroit d’Alice Coffin plus puissant ou presque que la chasse à l’homme dont Christophe Girard se disait la victime… Les ressorts de la domination sont multiples et il est à craindre qu’Anne Hidalgo n’ait pas bien perçu, en l’espèce, qui était dominé et qui était dominant (...)
La nomination de Christophe Girard au poste d’adjoint à la culture et la défense de celui-ci une fois qu’il a eu démissionné est donc une double faute politique : le nommer était un camouflet à la cause féministe, le défendre ensuite la manifestation éclatante et inconsciente d’une bourgeoisie qui ne s’intéresse plus qu’à la défense d’elle-même. Comme pour couronner le tout, cette séquence où une large partie du Conseil de Paris se lève comme un seul homme (sic), sur la proposition du préfet Lallement, si décrié par toute la gauche dans son rôle de chef de la police parisienne depuis plus d’un an. Le symbole est douloureux. Et les symboles en politique, ce n’est pas rien : on se dit, comme c’est le cas pour Gérald Darmanin au Ministère de l’Intérieur (et même si les circonstances sont tout autres), qu’Anne Hidalgo aurait bien pu se choisir un autre adjoint à la culture et continuer d’aller dîner, s’il lui en chantait, avec Christophe Girard. Ce n’est quand même pas les esprits brillants qui manquent, à Paris comme ailleurs ! (...)
à la fin, c’est toute notre démocratie et notre conception du politique qui en souffrent – et de la gauche, car on ne peut que noter avec affliction la position du groupe communiste, alignée sur celle des socialistes.