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Patrick Chamoiseau : « Si nous restons à patauger dans l’imaginaire colonial, la guerre des langues restera en vigueur »
#langues #colonialisme #Martinique
Article mis en ligne le 7 septembre 2023

Face au risque de voir annulée la décision faisant du créole la langue officielle de la Martinique au côté du français, l’écrivain antillais offre, dans une tribune au « Monde », une réflexion sur la notion de « langue officielle » et souligne la nécessité d’accepter que les imaginaires soient multilingues.

(...) Il s’agit, enfin, de lui faire accéder à une démocratie économique nouvelle, résolument sociale, culturelle, écologique et solidaire… – une intention globale, susceptible de stimuler notre créativité collective, que j’ai proposé d’appeler dans un texte récent « Faire-pays ».

Dans un courrier daté du 25 juillet, après une analyse de légalité, le préfet lui demande l’annulation de la décision. Les élus martiniquais refusent d’acquiescer à l’injonction du préfet. L’inévitable intervention du juge administratif ne fera que vérifier la conformité de cette résolution à la législation en vigueur. La délibération sera donc annulée. Mais cela n’a que peu d’importance. Restés sur le bord du chemin, le juge et le préfet ne pourront qu’assister au passage d’un autre imaginaire du monde. (...)

Dans le monde d’interdépendances qui est le nôtre, l’épanouissement, tant individuel que collectif, se trouve, non dans des exclusives nationalistes ou des indivisibilités républicaines, encore moins dans des ruptures formelles, mais dans une intensification tous azimuts de nos systèmes relationnels. Ce qui suppose des mobilités accrues, des multilinguismes babéliques, l’abandon de tout centre normatif, des réseaux de partenariats transmondes, riches de capabilités et d’agentivités novatrices. Cela suppose aussi, pour tous et pour chacun, une belle entrée en responsabilisation postcapitaliste.

Épaisseur irremplaçable (...)

. Si nous restons à patauger dans l’imaginaire colonial, la guerre des langues restera en vigueur. Chacun défendra sa « langue officielle » contre d’autres « langues officielles », ou à côté d’autres « langues officielles », perpétuant sous ironie du sort un esprit colonial. (...)