
C’est l’une des plus importantes monnaies locales en France, avec le Sol Violette à Toulouse : l’eusko vient d’être lancé à Bayonne. Quel intérêt face à l’euro ? Favoriser l’économie locale, soutenir les circuits courts, plus écologiques, développer les entreprises éthiques et contribuer au progrès social. Des dizaines de commerçants, d’artisans et d’associations s’y sont déjà convertis. Reportage au Pays basque, qui entre dans la zone eusko.
(...) les créateurs bénévoles de « l’Eusko » (variante du mot « basque ») ont proclamé, devant une centaine d’adhérents au projet, le lancement de la monnaie basque alternative. Et ont assuré qu’elle deviendrait la plus importante de l’hexagone. Un serment déjà à moitié tenu, avant même que ne circulent les nouvelles coupures dans les commerces du Pays basque. (...)
En quelques semaines, près de 190 entreprises, commerçants, artisans et associations ont été rejoints par plus de 600 particuliers. Un nombre qui devrait progresser rapidement dès les premières transactions et l’ouverture des bureaux de change, le 31 janvier. Un résultat exceptionnel, à comparer aux 70 structures qui utilisent la monnaie complémentaire de Toulouse, le Sol violette, durant son expérimentation, entre mai et décembre 2011. (...)
A Villeneuve-sur-Lot, les créateurs de la monnaie complémentaire « l’abeille », lancée il y a près de trois ans, ne s’y sont pas trompés. Ils ont reçu les basques pour un cours pratique en estimant que ce territoire possédait toutes les garanties du succès. (...)
En Allemagne, près de 10 ans après la création de la monnaie de Chiemgau, les 600 entreprises adhérentes parviennent à réinvestir 73 % de leurs Chiemgauers dans le réseau.
En Autriche, la ville de Wargla était parvenue, au début des années 30, à vaincre la grande dépression en éditant une monnaie locale.
Jean-Baptiste Etcheto, président du Conseil de développement du Pays basque — dont le Conseil de direction vient de voter son adhésion à l’eusko —, en relève l’essence en un slogan élémentaire : « nos emplettes feront nos emplois ». Ou comment l’entreprise devient solidaire des citoyens en relocalisant l’économie. Dans le cas de l’eusko, l’inverse est également vrai : le consommateur peut contribuer au développement de l’activité économique.
Ainsi, chaque usager de cette monnaie complémentaire peut choisir de parrainer une entreprise ou une association. Dès qu’une structure réunit une trentaine de parrainages, elle reçoit 3 % des sommes converties par ses parrains. En changeant chaque mois 100 euros contre 100 euskos (dont 3 euskos vont à la structure parrainée), un groupe de 30 personnes peut ainsi permettre à une association de toucher plus de 1 000 euskos par an. Que l’association cherchera ensuite à faire circuler dans le réseau, si elle veut éviter la décote de 5 % en les changeant en euros. Ou risquer que l’eusko, comme toute monnaie complémentaire, perde de sa valeur puisqu’elle ne peut générer d’intérêts, réduite à sa condition d’argent liquide. (...)
En Allemagne, où cette mécanique a fait ses preuves, une valeur de 50 000 euros est directement versée aux associations chaque année. Pour autant, la plupart des monnaies locales restent dépendantes des subventions. Pour compenser leur absence, les basques proposent une adhésion libre à leur système, à partir de 5 euros pour un particulier et 10 euros pour une association.
Mais ils ont également choisi, comme l’abeille, de développer une économie sociale et solidaire, et comme à Toulouse, de ne compter dans leur réseau que des entreprises partageant des valeurs éthiques. (...)
Quant aux euros encaissés par Euskal Moneta, dans le respect du code monétaire et financier, ils doivent constituer un fond de garantie. C’est à la NEF, société financière éthique et partenaire du Crédit Coopératif, que l’argent sera bloqué. Une façon, pour Dante Edme-Sanjurjo, de « sortir l’argent d’un circuit capitaliste pour une économie sociale et solidaire ». (...)
les monnaies locales ont ceci de commun qu’elles pensent global. Ancrées à un territoire et à une identité, elles permettent de relocaliser une partie de l’économie et de réduire les émissions de CO2 en créant des circuits plus courts. Si l’économie locale s’en porte mieux, la planète ne va pas plus mal. Et la hausse programmée du prix du pétrole risque d’inciter encore davantage les entreprises à créer des réseaux de proximité. (...)