
L’Humanité, avec sa plateforme numérique l’Humanité.fr, prend l’initiative de solliciter des contributions pour repenser le monde et inventer des alternatives, avec l’ambition d’être utile à chacune et à chacun. Cette démarche sera prolongée par la publication d’un hors-série à la fin de l’été et l’organisation de grands débats publics. Aujourd’hui : « Une révolution démocratique », par Nicole Borvo Cohen-Seat, ancienne sénatrice PCF de Paris.
C’est indéniable : un « nouveau monde » se cherche. En mettant à nu les tares du capitalisme mondialisé et les catastrophes vers lesquelles il nous mène inexorablement, l’épreuve du Covid-19 rebat les cartes. Beaucoup d’idées nouvelles émergent sur le vivre-autrement, produire et consommer autrement, économiser les ressources naturelles, prendre soin de tout le vivant. Et des idées plus anciennes, hier encore taxées de ringardes, retrouvent une légitimité : par exemple la nécessité de revaloriser les bas salaires, de taxer les revenus du capital, de revenir à « l’État providence » et à « l’État stratège », voire de sortir de l’ultralibéralisme et même plus radicalement du capitalisme lui-même. Manifestement, le couvercle qui pesait sur les consciences s’est soulevé : le nécessaire a cessé de paraître impossible. Un débat historique s’engage dans la société. (...)
« La droite a dévoilé son jeu : repartir à fond, travailler plus, sauver les profits pour sauver l’économie, et se cherche de nouveaux candidats possibles ! »
Mais il faudra batailler pour qu’il ait vraiment lieu et qu’il tienne ses promesses. Car derrière les mea culpa de façade – qui ne parle aujourd’hui de social, de service public ou d’écologie ? –, chacun fourbit ses armes en vue de 2022. La droite a dévoilé son jeu : repartir à fond, travailler plus, sauver les profits pour sauver l’économie, et se cherche de nouveaux candidats possibles ! Macron compte sans doute encore, vu l’absence de concurrence sérieuse, à la réédition de son duo avec Le Pen. Et celle-ci est en embuscade.
À gauche, on se plaît à croire en l’avenir et les appels à l’union se multiplient (...)
Et les citoyen.ne.s dans tout ça ? Avant, il y avait eu la révolte des gilets jaunes (les oubliés de la France « d’en haut »), l’immense mobilisation sociale contre la casse du système des retraites, le déferlement de jeunes en France et ailleurs pour sauver la planète, des manifestations inédites pour la place égale des femmes, les luttes des soignant.e.s, etc. Avec la crise du Covid-19, ils et elles ont applaudi les soignants qui avaient fait grève pendant des semaines pour demander des salaires et des conditions de travail dignes ; ils et elles ont vu les « invisibles », qui ont des salaires de misère, s’engager pour que la population puisse continuer à se nourrir, à vider ses poubelles, à envoyer ses courriers et plus encore à s’entraider.
Confinés, déconfinés partiellement, ayant subi la maladie pour certains, la mort de proches pour d’autres, l’angoisse et beaucoup d’ennuis pour tous, l’autoritarisme croissant du pouvoir, la perte de revenus, le chômage… les enfants sans école, puis l’école partiellement… c’est beaucoup. Et avec tout ça, ils ont été nombreux à faire preuve de solidarité.
Maintenant, ils veulent des changements sérieux. N’est-ce pas sur elles et sur eux, d’abord, qu’il faut compter ? À gauche, il faut être capable de se rassembler sur un projet qui fasse sens pour les temps futurs, avec tout ce que cela implique dans les transformations à accomplir dans la production, le travail, les échanges, la répartition des richesses, les consommations… (...)
Le manque de confiance actuel dans la politique ne reculera que si les citoyen.ne.s sont directement acteurs des transformations nécessaires. Et si leur propre investissement débouche sur un système démocratique nouveau qui garantisse leurs droits et leurs pouvoirs dans la sphère politique comme dans la sphère économique, dans les institutions comme dans les entreprises.
Bien entendu, il faut poser la question d’une rupture franche avec la Constitution de la V e République, issue d’un coup d’État et conçue par et pour un homme providentiel qui se méfiait du pluralisme ! Mais il faut aller beaucoup plus loin et mettre en débat avec les citoyen.ne.s un véritable changement de système (...)
Il n’y aura pas de monde nouveau sans révolution démocratique !