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Pesticides SDHI : « L’Anses n’a pas pris la mesure du drame »
Article mis en ligne le 2 octobre 2019

Les pesticides SDHI sont au cœur d’une controverse qui a obligé les responsables de l’Anses, l’autorité sanitaire, à défendre publiquement l’autorisation de leur utilisation. Dans cet entretien, Reporterre donne la parole au scientifique Pierre Rustin, qui a donné l’alerte sur la toxicité de ce type de molécules, qui agissent indistinctement sur les cellules des êtres vivants.

La famille des pesticides SDHI est-elle dangereuse au point de devoir être retirés du marché ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a-t-elle laissé passer des produits susceptibles de déclencher un scandale sanitaire ? C’est ce qu’affirme l’ouvrage de Fabrice Nicolino Le crime est presque parfait, paru en ce début septembre. Reporterre l’avait interrogé pour l’occasion. Depuis, l’Anses tente d’apaiser la controverse. « Aujourd’hui, on a tout un ensemble d’éléments qui permettent de dire que ces produits ne présentent pas d’inconvénients pour la santé dans les conditions d’utilisation », expliquait son directeur, Roger Genet, sur France Info le 23 septembre. (...)

Personnage central de l’ouvrage de Fabrice Nicolino, Pierre Rustin, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et responsable d’une équipe de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), est le scientifique qui a donné l’alerte sur les SDHI. Reporterre l’a interrogé. (...)

Pierre Rustin — Avec mes collègues, nous travaillons depuis plus de 30 ans sur les maladies mitochondriales [1], c’est-à-dire des maladies liées à des anomalies de la respiration des cellules. Ces maladies concernent possiblement tous les organes, seuls ou en association. Elles interviennent à tous les âges de la vie. Chez le jeune enfant, le fonctionnement du cerveau, du cœur ou des muscles est souvent concerné, chez les personnes âgées ce sont des maladies de type Parkinson ou Alzheimer. En plus de ces maladies, connues depuis peut-être 40 ans, s’ajoutent depuis les années 2000 des cancers.

Nous nous sommes intéressés aux facteurs de l’environnement qui pouvaient intervenir dans le déclenchement ou l’évolution de ces maladies. En faisant des recherches bibliographiques, nous sommes tombés sur le fait que l’on utilisait des pesticides SDHI en agriculture. Or, les SDHI inhibent la SDH (la succinate déshydrogénase), qui est une des enzymes importantes dans la respiration cellulaire.

Vous avez contacté l’Anses pour l’avertir du danger sanitaire…

En fait, nous lui avons posé cinq questions scientifiques majeures auxquelles nous n’avons toujours pas obtenu de réponse. (...)

naïvement, j’étais convaincu qu’en recevant notre coup de téléphone, l’Anses allait prendre instantanément la mesure du drame possible. Mes collègues m’ont dit : « Ce n’est pas comme cela que ça se passe ! » Elles avaient raison.

Nous avons été obligés de publier la tribune dans Libération pour que — comme l’Anses ose le dire — ils « s’autosaisissent ». (...)

Quand j’entends le ministre de l’Agriculture dire, qu’en accord avec l’Anses et les scientifiques, « cinq mètres d’écartement entre les traitements et les maisons, c’est bien », cela me fait bondir ! Comme sur bien des problèmes de pesticides, le ministre se trompe. Concernant l’espace de cinq mètres, cela a un côté ridicule, soit les pesticides doivent être proscrits, soit non. Tout le monde sait que les pesticides sont partout dans l’air, dans l’alimentation, les rivières. Cette discussion est absurde, il est urgent de sortir des pesticides. (...)

L’Anses ne répond pas à mes méls, à mes lettres. Cette agence est complètement discréditée à mes yeux, ils ne font pas leur boulot. Ce n’est pourtant pas à nous de démontrer que ces pesticides sont dangereux.

Sur les SDHI, l’Anses a constitué un comité d’experts de gens sur le sujet, qui n’ont en aucune façon répondu à nos cinq points. Nous le leur avons dit, reprécisé, nous n’avons jamais obtenu de réponse. Je ne vois pas ce que l’on peut faire de plus. (...)