Editorial. La dispersion violente d’un campement de migrants et le passage à tabac d’un producteur de musique ne sont pas uniquement des dérapages individuels. Ils montrent surtout des dérives hiérarchiques et une perte des repères républicains.
Un groupe de policiers s’acharnant de longues minutes à coups de poing, de pied et de matraque sur un homme noir dans un lieu privé, sans autre motif apparent que le non-port d’un masque anti-Covid, des armes pointées, des injures racistes répétées, selon la victime.
Ces faits, qui « font peu de doute », selon le ministre de l’intérieur, et dont a été victime, le 21 novembre, à Paris, le producteur de musique Michel Zecler confirment que ce n’est pas d’une série de « bavures », de dérapages individuels, que souffre la police française. Il s’agit bien là d’une grave crise du commandement, de dérives hiérarchiques et d’une perte des repères républicains. (...)
Révélé trois jours après la dispersion inutilement violente d’un campement de demandeurs d’asile, place de la République à Paris, et après de multiples épisodes documentés de violences policières, notamment contre les « gilets jaunes » et les manifestants opposés à la réforme des retraites, cet insupportable tabassage ébranle l’idée de sécurité publique, l’un des fondements de la démocratie. Il salit la France. (...)
L’histoire le montre : le comportement des policiers dépend largement des ordres qui leur sont donnés, de la fermeté des rappels aux procédures et au droit, de l’impunité promise ou non. (...)
Violence sans garde-fous (...)
C’est le préfet Lallement qui couvre une opération où des hommes entraînés pour courir après des délinquants sont chargés d’évacuer des migrants installés dans des tentes et au cours de laquelle un journaliste est molesté. En juillet, devant les députés, c’est Gérald Darmanin qui déclare : « Quand j’entends le mot violences policières, personnellement, je m’étouffe », reprenant le verbe utilisé à sept reprises, au cours de son agonie, par Cédric Chouviat, ce livreur mort en janvier, à la suite d’un contrôle policier. (...)
Il est trop tard pour le ministre de l’intérieur pour trouver « choquantes » les images de la place de la République et « inqualifiables » celles du passage à tabac de Michel Zecler. La police, dont M. Darmanin s’affirme fièrement le patron, ne peut évidemment pas être jugée globalement à l’aune des faits qui déconsidèrent certains de ses membres. Ceux-là semblent en roue libre, livrés aux démons d’une violence sans garde-fous et d’un racisme débridé, signant des PV mensongers, ignorant qu’ils sont filmés et se croyant « couverts ». (...)
Gérald Darmanin, choisi par le président de la République pour séduire les électeurs conservateurs, menace d’entraîner le pays dans une spirale de désordres terriblement dangereuse, aggravée par les multiples tensions liées au confinement. Comment les appels d’Emmanuel Macron à la « bienveillance » et au « respect de nos valeurs » peuvent-ils être crédibles, si la police et son ministre ne sont pas d’urgence recadrés ? (...)
Les policiers qui déshonorent la sécurité publique doivent être écartés définitivement. Il faut aussi remplacer l’actuelle inspection générale de la police nationale par une instance d’inspection réellement indépendante.
Quant au fameux article 24 de la proposition de loi « sécurité globale », attentatoire à la liberté d’expression, il doit, tout comme d’autres dispositions dangereuses de ce texte, être immédiatement retiré. (...)