
Quelle stratégie adopter devant la destruction des écosystèmes par les activités humaines ? Si certains pensent possible de retrouver un mode de vie semblable à celui des peuples premiers, l’auteur de cette tribune défend une voie intermédiaire, moins radicale, mais qu’il juge réaliste et efficace.
Nicolas Casaux a raison de nous interpeller. Car nous, écologistes, avons effectivement tendance à vanter les énergies renouvelables, sans nuance, laissant supposer que ces énergies sont « propres ». Or, comme il le rappelle, si les sources d’énergie sont renouvelables, les technologies, elles, ne le sont pas. Pas plus que celles de l’Internet, des smartphones, des ordinateurs… Elles demandent l’utilisation de métaux, de matériaux que nous continuons à extraire de la croûte terrestre, à une vitesse folle, laissant des terres dévastées et des êtres humains exploités. Elles demandent de produire des objets et des installations qui détruisent des espaces naturels.
Mais la quasi-totalité des activités humaines a un impact sur la biosphère. La véritable question que pose son texte est : devons-nous minimiser au maximum l’impact de ces activités ou devons-nous les arrêter ? Les énergies renouvelables sont certainement à ce jour la moins mauvaise manière de produire de l’énergie. Mais si nous ne pouvons pas produire de l’énergie sans détruire, devons-nous continuer à le faire ?
Devons-nous continuer à vivre avec de l’électricité ? Avec des moyens de locomotion nécessitant des infrastructures telles que des routes ou des rails ? Continuer à vivre dans des villes ? Les partisans de la Deep Green Resistance (DGR), dont Nicolas Casaux fait partie, ne le pensent pas (...)
L’effondrement qui vient va balayer notre système industriel et capitaliste. Ainsi la planète pourra reprendre vie. Mais laisser se produire cet effondrement signifie la mort de centaines de millions de gens, de milliards peut-être. Ce ne seront ni les plus riches, ni les premiers responsables de la situation. Ce seront les plus fragiles. Comment prétendre avoir de l’empathie pour les plantes et les animaux et accepter cela ? Personnellement, je ne peux m’y résoudre. Ce qui nous laisse donc, comme très souvent, avec l’option du moindre mal. Celle qui nous permettrait de sauver un maximum d’êtres vivants de toutes espèces. (...)
Pour moi, le seul moyen de renverser le consumérisme triomphant, le capitalisme prédateur, est de reprendre le pouvoir aux quelques multinationales, milliardaires et leaders politiques qui concentrent la puissance financière, médiatique et législative. (...)
Pour y parvenir, on peut envisager le rapport de force violent, non violent ou un condensé des deux. Personnellement, j’ai choisi l’option non violente, pour une raison qu’a parfaitement résumée Vandana Shiva : « Nous ne pouvons plus nous permettre de n’être qu’un club, une très bonne armée souterraine, mais qui ne compterait que très peu de membres. Si vous voulez étendre le cercle des personnes engagées, la non-violence est la bonne voie. La plupart des gens n’aspirent ni à la violence ni au chaos. » Or, « dans une lutte non violente, la seule arme dont vous disposez est le nombre », explique Srdja Popovic, leader du mouvement qui a chassé Milosevic en ex-Yougoslavie [2]. Nous ne changerons pas la société en étant une poignée de radicaux. Nous devons être des millions à agir pour construire de nouvelles représentations et bouleverser l’imaginaire collectif. C’est à ce prix que les structures politiques changeront.
Or, la perspective de retourner vivre dans la nature n’entraînera pas ce mouvement de masse. L’être humain a peur de la nature sauvage. C’est l’une des raisons principales de la guerre qu’il a engagée contre elle. L’humain est aussi un être profondément anxieux. Passer son temps à critiquer, à empiler les arguments qui montrent que nous fonçons dans le mur ne marche pas avec lui. (...)
l’accumulation des nouvelles anxiogènes actionne dans le cerveau des mécanismes de peur et par conséquent de déni et de fuite. Répéter que tout va mal ne sert à rien si on ne propose pas des actions pour répondre aux problèmes. Il est donc indispensable d’additionner toutes les démarches. De résister et de créer. Nous avons besoin des décrypteurs, des faucheurs d’OGM, des zadistes qui empêchent les espaces naturels d’être détruits, mais également de tous ceux qui proposent des alternatives ou les mettent en lumière.
Nous avons besoin de partir de l’endroit où se trouvent les gens (...)
L’idée est de tenter de conserver le meilleur de ce que la civilisation nous a permis de développer (la chirurgie, la recherche scientifique, la mobilité, la capacité de communiquer avec l’ensemble de la planète, une certaine sécurité) et de préserver au mieux le monde naturel. (...)
Lorsque le nombre sera suffisant (et il grandit) nous serons peut-être en mesure d’opérer une forme de révolution. Par les urnes, par la rue, par la culture ou par les trois en même temps, je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que j’ai envie d’essayer.