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Pour enrayer les violences policières, la bataille judiciaire est lancée
Article mis en ligne le 3 février 2019
dernière modification le 2 février 2019

Comment obtenir réparation quand on a été blessé par la police ? Il est désormais clair que policiers et gendarmes ne sont que très rarement condamnés. Depuis quelques années, des avocats attaquent directement l’État, avec un peu plus de résultats

Sur les quelque 2.000 personnes blessées depuis le début de la mobilisation des Gilets jaunes, le 17 novembre 2018, une centaine l’ont été grièvement du fait de violences policières. Pour ces victimes, se pose la question d’entamer ou non un long parcours judiciaire pour essayer d’obtenir réparation. (...)

Sur 89 cas de violences policières, une seule condamnation à de la prison ferme
De fait, rares sont les policiers condamnés pour des faits de violence. Dans son rapport « L’ordre et la force. Enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France », publié en mars 2016, l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) dénombre « 89 situations alléguées de violences policières » survenues dans des circonstances variées entre 2005 et 2015 et ayant entraîné « 26 décès, 29 blessures irréversibles (infirmités permanentes) et 22 blessures graves n’ayant pas entraîné d’infirmité permanente ». Sur ces 89 affaires, « seules 7 ont abouti à des condamnations. Excepté une condamnation tout à fait exceptionnelle à une peine de prison ferme, il ne s’agit que de condamnations à des peines de prison avec sursis, y compris lorsque des agents ont été reconnus coupables d’homicide ou de blessures ayant entraîné une infirmité », observe l’Acat (p. 87). (...)

Depuis 2015, la situation n’a guère évolué. Les derniers et rares policiers condamnés pour des violences dans le cadre de manifestations l’ont été à des peines de prison avec sursis. (...)

L’IGPN et l’IGGN sont composés de policiers et de gendarmes : pas de garantie d’indépendance (...)

La nouvelle stratégie de la requête administrative
Face à ces difficultés, un nombre croissant d’avocats se tournent vers la juridiction administrative pour obtenir réparation pour leurs clients. Il ne s’agit plus là de prouver la responsabilité et la faute du tireur, mais celle de toute la chaîne hiérarchique qui organise l’opération de maintien de l’ordre et fournit les armes – jusqu’au préfet de police et au ministre de l’Intérieur. Autrement dit, de l’État. (...)

Pour Me Noël, ces requêtes au tribunal administratif sont bien plus efficaces : « La voie pénale est très aléatoire. Dans 99 % des cas, le tireur n’est pas identifié, ce qui est un obstacle insurmontable. Ou alors, il est relaxé parce qu’il avait la permission de la loi. Alors qu’au tribunal administratif, on obtient une condamnation de manière quasi-certaine. (...)

En plus, philosophiquement, il est plus satisfaisant d’obtenir la condamnation de l’État, qui organise le maintien de l’ordre, néglige la formation et commande les armes, plutôt que celle du policier. »

Réintroduire du collectif pour pallier l’isolement des blessés (...)

Pierre Douillard est lui aussi très attaché aux actions de groupe : « Les LBD 40 et les grenades sont des armes qui atomisent, car elles ne s’adressent pas à un corps collectif, comme les lacrymos ou les canons à eau, mais touchent une seule personne en lui causant un préjudice gigantesque. Sa vie change définitivement, mais elle est toute seule, parce que c’est elle qui est touchée et que la personne qui était à un mètre d’elle n’a rien. » Pour remédier à cet isolement, il a créé l’Assemblée des blessés en 2014, qui se donne pour objectif de fédérer les personnes blessées et leurs proches, pour qu’ils – entre autres – s’échangent des conseils juridiques et des contacts d’avocats aguerris.

Le collectif Désarmons-les ! accompagne également les blessés tout au long de leur parcours juridique, en favorisant aussi la défense collective. Avec le souci de rendre la démarche accessible au plus grand nombre (...)

Malgré tout, le parcours judiciaire reste difficile et long, très long. Celui de Pierre Douillard aura duré onze ans. (...)