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Pour faire taire Ian B, expert des violences policières, la justice le condamne à huit mois de prison
Article mis en ligne le 13 décembre 2020
dernière modification le 12 décembre 2020

Ian B, militant de longue date contre les violences policières et animateur du collectif Désarmons-les, a été condamné à huit mois de prison ferme pour violences à la suite d’une manifestation de Gilets jaunes, à Montpellier. « Après avoir réprimé les manifestations, on veut aujourd’hui réprimer ceux qui veulent les documenter », assure un spécialiste de la répression d’État.

En effet, Ian B documente et dénonce les violences policières depuis longtemps. Dès 2012, avec quelques camarades, il a publié des brochures d’information sur les armements. Leur travail circulait alors seulement dans les réseaux militants. En 2013, la petite équipe s’est liée avec le collectif Urgence notre police assassine, fondée par Amal Bentounsi, sœur d’Amine, tué d’une balle dans le dos par un policier en 2012 à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Elle estime que Désarmons-les a été l’un des premiers à porter un discours critique à l’encontre des violences policières en la liant à l’héritage colonial. « Leur posture est très intéressante car même en tant que “privilégiés”, ils ne sont pas dans le déni de ce qu’il s’est passé dans l’histoire et sur le rôle de la colonisation dans les pratiques policières », explique-t-elle. (...)

Désarmons-les essaie de bâtir des ponts entre les familles de victimes, sans que leur parole ne soit volée car considérée comme trop radicale. (...)

L’Assemblée des blessés a été lancée fin 2014 pour rassembler des familles de victimes de violences policières. Ian B en est un membre actif. En 2016, avec son équipe, il a créé le site de Désarmons-les et a publié pour la première fois l’« autopsie » d’une grenade de desencerclement. Il a également multiplié les conférences dans toute la France pour alerter sur la dangerosité des armes utilisées par la police dans le cadre du maintien de l’ordre. (...)

C’est d’ailleurs au retour d’une de ces conférences qu’il a été arrêté en mars 2019, à la descente d’un train, gare Montparnasse, à Paris. Il a été placé en garde à vue pour port d’arme prohibée à cause des grenades qu’il transportait dans son sac afin d’illustrer son exposé. (...)

Plus récemment, Désarmons-les a contribué à la contre-enquête sur la mort de Zineb Redouane, cette octogénaire morte à la suite d’un tir de grenade lacrymogène à Marseille. (...)

Alors pourquoi un tel acharnement judiciaire ? « C’est peut-être une question de visibilité », dit David Dufresne, écrivain et documentariste. « Si Ian B faisait plus d’apparitions, il serait peut-être mieux protégé. Car si la police vous touche alors que vous faites partie de l’espace public, les répercussions ne sont pas les mêmes. » David Dufresne a participé à plusieurs conférences avec Ian B et loue l’expertise de son collectif : « Son travail offre un historique sur les vingt dernières années, cela nous a permis de démontrer que la France avait autant mutilé en six mois que sur vingt ans. » (...)

Autre chose qui n’a certainement pas joué en sa faveur : la loi de « sécurité globale », qui veut punir la diffusion d’images de policiers. « Après avoir réprimé les manifestations, on veut aujourd’hui réprimer ceux qui veulent les documenter. Et donc, on s’empresse de vouloir embastiller pour une main sur un bouclier », dit David Dufresne.

En attendant, Ian B va faire appel de sa lourde condamnation de huit mois de prison ferme pour avoir, rappelons-le, voulu protéger une observatrice de la Ligue des droits de l’Homme des coups de bouclier assénés par un policier.