
Depuis 1918, de multiples « Chartes de déontologie » se sont efforcées de fixer les principes et les règles d’exercice du journalisme : les dernières versions datent de 2011 et 2012. Depuis quelques années, plusieurs initiatives ont été prises pour que se constitue une instance de régulation de la déontologie, et plus précisément un « Conseil de la presse », suivant ainsi les exemples de plusieurs pays comme le Québec et la Suisse.
« Charte » et « régulation » : ces deux questions sont revenues récemment sur le devant de l’actualité. Parlons-en… (...)
Que valent de telles chartes si rien ne permet véritablement de garantir qu’elles soient respectées ?
Quelles sont les conditions minimales de leur application ?
Quelle instance de régulation, si elle peut exister, pourrait veiller à leur respect ?
L’instauration de règles et d’arbitrages déontologiques peuvent-ils constituer un enjeu décisif sans détourner des combats prioritaires pour une appropriation démocratique des médias ?
Sans faire diversion ? (...)
I. Des conditions minimales
1. Une charte annexée. Pour que les règles déontologiques ne soient pas de simples chiffons de papier, encore faut-il qu’elles soient opposables aux patrons des médias et donc qu’une Charte commune intégrée à Convention collective nationale de travail des journalistes (CCNTJ). Or le patronat des médias ne veut pas en entendre parler et s’y oppose avec constance [1]. C’’est assez dire l’enjeu du combat correspondant.
2. Des aides à la presse conditionnées. Une deuxième exigence minimale de garantie des règles déontologiques découle de la précédente : il est indispensable que les aides publiques attribuées à la presse et les concessions consenties à l’audiovisuel privé ne le soient que dans la mesure où les médias concernés souscrivent à l’inscription d’une charte de déontologie dans la Convention collective nationale. Mais ce serait encore insuffisant ....
3. Un statut juridique des rédactions reconnu. Pour que les journalistes puissent résister aux pressions des PDG et des directeurs de rédaction et leur opposer le respect des règles professionnelles, encore faut-il que les rédactions soient dotées d’un statut juridique qui permette aux journalistes d’intervenir collectivement sur l’orientation éditoriale du titre et les pratiques journalistiques.
4. Un code exigeant. (...)
Ces conditions minimales ne sont pas nouvelles. Elles ont été formulées depuis longtemps par les principaux syndicats de journalistes. Les trois premières figuraient dès octobre 2006 dans la Déclaration finale de la première session des « États généraux pour le pluralisme » que nous avions contribué à impulser. (...)
Or ces conditions ne sont pas dissociables d’un projet global de transformation des médias qui garantisse leur pluralisme et leur indépendance : des médias soustraits à l’emprise des pouvoirs politique et financier.
Ce qui suppose notamment et par exemple, comme nous le proposons, de substituer à l’actuel Conseil Supérieur de l’Audiovisuel – un organisme-croupion (qui ne « régule que l’audiovisuel) et un organisme-fantoche (un simple cache sexe du pouvoir politique) – un Conseil National des Médias… de tous les médias, aux missions étendues et à la composition réellement démocratique ; ou encore d’accorder la priorité, sinon l’exclusivité des aides à la presse à des médias sans but lucratifs, dotés du statut correspondant.
Mais à quelle instance pourrait-on confier la vigilance en la matière ?
II. Une instance indépendante ?
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