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Pour le créateur de l’avion solaire, « il n’y a aucune urgence à construire un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes »
Article mis en ligne le 12 décembre 2017
dernière modification le 11 décembre 2017

Bertrand Piccard a réalisé un tour du monde à bord de l’avion solaire « Solar Impulse ». De passage à Paris, il explique sa vision de l’écologie : progrès technologique, taxe carbone généralisée, et lutte contre le gaspillage. Juge inutile le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Et critique le clivage droite-gauche. Rencontre.

« Quand on vole, c’est magnifique. Une relation d’intimité se crée avec les territoires. Mais en rentrant, on a une responsabilité : raconter ce qu’on a vu et surtout comment on peut améliorer l’état de la planète. » Vendredi 1er décembre, le psychiatre et explorateur suisse Bertrand Piccard recevait le grand prix 2017 de la Société de géographie pour « sa contribution à la cause des énergies renouvelables grâce à son tour du monde en avion solaire ». L’occasion de revenir sur cet exploit réalisé en 2015-2016 avec son copilote, André Borschberg, à bord du Solar Impulse, un étonnant aéroplane tapissé de cellules photovoltaïques qui lui ont permis de parcourir 42.000 kilomètres et quatre continents sans brûler une goutte de kérosène. Et de partager sa confiance dans le « nouveau monde » des technologies vertes pour résoudre la crise climatique. (...)

« Quand je volais à l’énergie solaire, pendant plusieurs jours au-dessus de l’océan sans polluer ni faire de bruit, j’ai d’abord eu l’impression d’évoluer dans un film de science-fiction. Puis, j’ai compris que j’étais simplement à la pointe de la technologie » (...)

Du prototype au développement à grande échelle, il n’y a qu’un pas, assure-t-il. « Tom Enders, le patron d’Airbus, m’a raconté que, quand nous avons lancé le projet Solar Impulse en 2003, tous les ingénieurs ont ri en disant que nous n’allions jamais réussir à construire un avion aussi grand, aussi léger et aussi efficient. Puis, quand nous avons atterri en 2016 après notre tour du monde, ces mêmes ingénieurs sont allés dire à la direction qu’il fallait lancer des programmes de développement des avions électriques. » Depuis, le 4 décembre, le constructeur aéronautique européen a noué un partenariat avec Rolls-Royce et Siemens pour le développement d’un avion à propulsion hybride, E-Fan X, dont le premier vol est prévu pour 2020. Avant cela, il avait lancé un avion biplace tout-électrique, le E-Fan, qui a effectué son premier vol en mars 2014. De son côté, la compagnie aérienne à bas coûts EasyJet a dévoilé en septembre un prototype de moteur d’avion électrique conçu avec la start-up états-unienne Wright Electric. Les partenaires espèrent lancer d’ici à 2027 un avion électrique de 120 à 220 passagers capable de parcourir une distance de 540 kilomètres. « Dans moins de dix ans, nous aurons des avions de cinquante places 100 % électriques pour les vols court-courriers », promet l’explorateur.

L’avion électrique n’est pas une solution miracle contre le changement climatique (...)

Il faut également travailler sur l’efficience énergétique de tous les avions. Les constructeurs progressent, les appareils font moins de bruit et consomment moins de kérosène. Mais leur nombre augmente tellement que je ne vois pas d’autre solution qu’une taxe carbone généralisée. » (...) Actuellement, la répercussion du coût du carbone sur le billet d’avion est insignifiante : deux ou trois euros sur un voyage en Europe, quelques dizaines d’euros pour un billet transatlantique à 1.000 ou 2.000 euros ». (...)

Bertrand Piccard croit davantage au « progrès » technique qu’à une remise en question du modèle de consommation frénétique de voyages et de loisirs des personnes, en premier lieu des Occidentaux aisés. « Si vous limitez la mobilité et le confort des gens, vous allez créer des résistances et cliver au lieu de réunir, juge Bertrand Piccard. Je suis plutôt favorable à offrir à ceux qui veulent bouger des manières plus efficientes et plus propres de le faire. » Nuance toutefois, « il n’y a aucune urgence à construire un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Même en comptant l’évolution du trafic aérien, vous pouvez faire encore dix ans avec l’aéroport actuel », estime-t-il avant d’enchaîner rapidement sur un autre sujet.
Au-delà du secteur aérien, la marge de progression dans la transition énergétique est immense, insiste l’explorateur. (...)

Les solutions technologiques existent déjà, développées dans les universités, les laboratoires et les start-up, plaide-t-il. « Vous avez de toutes petites entreprises dont l’inventivité est extraordinaire. Comme Mascara, qui a inventé une solution pour dessaler l’eau de mer avec des courants de puissance variable fournis par le soleil. Ou Eco-Tech Ceram, qui récupère la chaleur industrielle autrefois perdue grâce à des blocs en céramique. Même les grands groupes s’y mettent, comme Air liquide, qui développe à fond sa filière hydrogène. » Objectif, la « croissance propre » et non la remise en question du cadre. (...)

Pour promouvoir ces nouvelles technologies auprès des gouvernements du monde entier, Bertrand Piccard a annoncé lors de la COP22, en 2016, la création d’une Alliance mondiale des solutions efficientes. Son objectif est de rassembler un portfolio de « 1.000 solutions rentables pour protéger l’environnement ». « À ce jour, nous comptons 470 membres, qui nous ont apporté quelque 500 projets, actuellement en cours d’expertise, précise-t-il. En novembre dernier, à la COP23, des start-up du monde entier sont venues me voir pour en devenir membres fondateurs et me remercier pour cette initiative. » Prochaine étape, un nouveau tour du monde en 2019 à bord d’un avion solaire biplace fonctionnant sur batterie, pour présenter ce portfolio aux dirigeants du monde entier (...)

« montrer qu’on peut désormais être logique et plus seulement écologique »