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Université Ouverte
Pour le service public de la recherche, non à l’ANR !
Article mis en ligne le 30 mars 2020

Le 19 mars dernier, lors d’une visite à l’Institut Pasteur, souhaitant faire montre de son volontarisme dans la lutte contre le COVID-19, le Président de la République a annoncé une augmentation de cinq milliards d’euros sur dix ans du budget de la recherche en France. Ces effets d’annonce ne sont nullement à la hauteur des enjeux et des revendications portées par les facs et les labos en lutte depuis le 5 décembre.

La hausse annoncée, ramenée au budget du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), représente 2% d’augmentation par an, pas plus que les années précédentes. Pire encore : le principal moyen envisagé pour la distribution de ces crédits est le renforcement de la recherche sur projets, dont l’Agence nationale de la recherche (ANR) est le fer de lance.

La crise sanitaire a montré combien ce système n’est pas seulement dangereux pour la recherche publique, mais pour l’ensemble de la population. Selon Bruno Canard, virologue spécialiste des coronavirus, la décision d’arrêter, après la dissipation de l’alerte créée par l’épidémie de SRAS, le financement des grands projets européens d’anticipation a eu pour conséquence terrible l’impréparation actuelle face à la nouvelle pandémie. En dépit du cri d’alarme de ce chercheur et de l’urgence sanitaire, le ministère, incapable de sortir de sa logique délétère, a trouvé le moyen de publier un « appel à projets avec un processus accéléré de sélection et d’évaluation » au lieu de massivement financer toutes les équipes travaillant sur le COVID-19 !

Ce que souligne cruellement l’exemple de la recherche sur les coronavirus, c’est que le court-termisme des appels à projets gêne toute forme d’accumulation des savoirs et savoir-faire nécessaire à des recherches ambitieuses. L’indépendance même des travaux est menacée par le fléchage des appels selon les priorités politiques ou en fonction des attentes des partenaires du monde socio-économique. Un tel mode de financement ne garantit nullement la production d’un savoir répondant aux normes usuelles de probation scientifique. Parce qu’il faut séduire des jurys et convaincre de la faisabilité de projets qui n’ont pas encore été réalisés, c’est le conformisme qui l’emporte.

Ce système entraîne, en outre, de lourds effets sur la communauté scientifique. Au sein des laboratoires, le calendrier des appels à projets emporte tout sur son passage, en particulier la capacité des équipes à définir un projet scientifique sur le long terme et à le mettre en œuvre tant il devient dépendant du succès ou des échecs nombreux aux demandes de financement. La recherche sur projets orchestre la mise en concurrence et donc les inégalités entre laboratoires et entre les disciplines. (...)