
(...) Michèle Sibony. — Parler du racisme en assumant une parole, une expression juive, vouloir lutter contre le racisme en commençant par prétendre avoir un point de vue spécifique sur le racisme en général — pas seulement sur l’antisémitisme, cela peut paraître bizarre. Nous avons voulu montrer que le racisme n’est pas divisible. Toutes les attitudes et toutes les politiques de rejet, d’exclusion, de persécution, d’épuration ethnique sont à combattre.
Qu’est-ce que c’est, un « point de vue juif » ? Il y a un ordre de distribution de la parole juive dans ce pays. On la donne très majoritairement à des organisations extrêmement « radicales », c’est-à-dire très sionistes, qui instrumentalisent l’antisémitisme et l’islamophobie d’une manière particulière.
Le projet sioniste en France consiste à empêcher toute critique du sionisme et d’Israël. Pour ce faire, il existe des outils bien rodés. Le premier consiste, si j’ose dire, à appuyer sur la touche « antisémitisme ». Si vous critiquez la politique israélienne, c’est que vous êtes antisémite. Le deuxième outil sert à désigner l’ennemi ou à participer à la désignation de l’« ennemi intérieur », c’est-à-dire les musulmans. Au fond, on est pris dans l’idéologie néoconservatrice de la défense d’un Occident judéo-chrétien, dont le grand ennemi est l’islam. Les juifs étant désormais plus ou moins inclus dans l’Occident, il serait logique qu’ils soient attaqués, puisque les musulmans attaquent l’Occident. Ceux qui refusent cette logique justifieraient le terrorisme.
Ce n’est pas la position de l’UJFP. Le racisme, quel que soit son objet, est pour nous un outil politique, de domination et de division, et nous voulons le dénoncer en tant que juifs. Nous sommes convaincus que l’existence de cette « autre parole juive » en France est très importante, que sa visibilité est importante. Or, nous n’avons en général pas accès aux médias (...)
es plus jeunes parmi les militants avaient très envie de se confronter à la mouvance d’extrême droite raciste animée par Alain Soral et l’humoriste Dieudonné. Or, la diffusion des idées de ces personnages passe beaucoup par la vidéo et les jeunes de l’UJFP avaient envie d’un projet qui réponde sur le même terrain. Nous avons donc commencé à explorer cette piste (...)
dans le cadre de l’instrumentalisation du racisme aujourd’hui, toute mise en question est inaudible par la plus grande partie de la population qui l’assimile automatiquement à de l’« islamo-gauchisme ». C’est-à-dire la délégitimise. C’est assez ahurissant, mais l’antiracisme décolonial ne passe pas en France. Le débat est bien en train de monter, parce qu’il y a des gens qui ont besoin d’en parler, il reste néanmoins confiné à des cercles restreints, avec une division profonde dans la réflexion. (...)
malgré l’organisation d’une conférence de presse où seuls deux journalistes sont venus, nous n’avons eu qu’un seul article, dans Politis. Un silence qui fait système : ne pas en parler sert à neutraliser le propos. (...)
Je reviens de Genève où j’ai fait deux interventions publiques sur le sujet « antisémitisme/antisionisme », et j’ai commencé mes deux conférences par le clip, très bien accueilli à chaque fois, et qui permet d’ouvrir le sujet. Tous nos militants vont faire de même dans leurs interventions publiques car nos clips recoupent des débats du moment, sur lesquels nous sommes invités. C’est un outil de travail. Par ailleurs, ces dix thématiques constituent désormais nos meilleures réponses à des questions qui nous sont sans cesse posées : « Pourquoi parlez-vous en tant que juifs ? », « Que pensez-vous de la laïcité ? », « Qui êtes-vous, l’UJFP ? »