
Le numérique est profondément transformateur, d’une grande complexité, et exige la capacité à comprendre, déployer et défendre une vision technologique, sociale, écologique, économique, géostratégique et politique de long terme. Il requiert des moyens et des expertises que seul un ou une ministre de plein exercice peut convoquer et employer à la hauteur des enjeux, estime un collectif de plus de 80 élus, entrepreneurs, ingénieurs, développeurs, associatifs et acteurs du numérique. Parmi eux, Quentin Adam (Clever Cloud, Open Internet Project), Gilles Babinet (CNNum), Tariq Krim (Polite), Philippe Latombe (député Modem), Michel Paulin (OVHCloud), Arno Pons (Digital New Deal), Guillaume Rozier (Covid Tracker, ViteMaDose) ou encore Alexandre Zapolsky (Linagora).
Alors que s’ouvre un nouveau quinquennat et que les élections législatives se présentent bientôt devant les électeurs, nous, acteurs du monde numérique, demandons au Président de la République et au futur gouvernement de doter le pays des moyens institutionnels d’une politique stratégique forte en matière de numérique.
En trente ans, la nouvelle révolution industrielle permise par Internet a bouleversé nos sociétés, accéléré les échanges et la transformation de la société, de nos entreprises et de nos administrations, rebattu les cartes géopolitiques et sociétales. (...)
Pourtant, nous n’en sommes encore qu’aux prémices de cette révolution, alors que monte en puissance l’intelligence artificielle, qu’arrive l’informatique quantique, et que déjà les métavers et crypto-actifs promettent de bouleverser encore nos usages, nos économies et nos sociétés. Des menaces nouvelles naissent du numérique, comme la manipulation de l’information à grande échelle ou les cyberguerres. Qui sait ce que l’avenir inventera encore. Bien plus qu’une évolution technologique, le numérique génère des transformations sociétales par les réseaux sociaux et la communication instantanée, bouscule le droit du travail par l’apparition des plateformes d’intermédiation, oblige à repenser l’industrie par l’intégration systématique d’intelligence et de connectivité, ou à réaménager nos territoires avec une analyse fine de leurs dynamiques. Ces bouleversements sont soudains, enthousiasmants, assourdissants, troublants tout à la fois. Qu’on le veuille ou non, ils sont inéluctables. Mais là où certains n’y voient qu’une fatalité, nous y voyons d’abord une opportunité que tout le monde doit être en capacité d’embrasser, et une exigence de maîtrise de nos technologies pour rester maîtres de notre avenir.
Pour accompagner ces changements, des secrétaires d’État au numérique ont été nommés et ont successivement acquis une importance croissante dans les gouvernements, dans l’opinion publique, et auprès des instances de l’Union européenne. Ces pionniers ont efficacement ouvert le chemin pour aider le pays à tirer profit de cette révolution et pour apporter des réponses politiques aux problèmes nouveaux causés par Internet et par le numérique. Il faut leur reconnaître d’avoir su le faire avec des moyens bien trop limités par rapport aux défis à affronter. (...)
questions nouvelles de cybersécurité, d’empreinte environnementale et d’autonomie stratégique. Pourtant, alors que personne aujourd’hui n’aurait l’idée saugrenue de placer l’agriculture sous la tutelle du ministère de l’économie et des finances, c’est toujours le sort bien peu visionnaire et ambitieux que l’État réserve au numérique. (...)
un puissant ministère français du numérique pourra d’autant mieux conduire le gouvernement et l’Union européenne vers des ambitions enfin à la hauteur des enjeux, avec une vue stratégique transversale et à longue portée.
Nous l’avons dit, le numérique n’est pas une activité comme les autres. Il est profondément transformateur, d’une grande complexité, et exige la capacité à comprendre, déployer et défendre une vision technologique, sociale, écologique, économique, géostratégique et politique de long terme, tout en s’adaptant avec agilité aux inévitables changements qu’il subit et qu’il nous fait subir. Il requiert des moyens et des expertises que seul un ou une ministre de plein exercice peut convoquer et employer à la hauteur des enjeux. La numérisation en cours de notre économie est comparable à la première révolution industrielle qui a remplacé le muscle humain par la machine. (...)
Nous, élus, entrepreneurs, ingénieurs, développeurs, associatifs, et acteurs du numérique, demandons donc au Président de la République et au futur gouvernement, comme d’autres pays l’ont fait, la création d’un ministère du numérique de plein exercice et doté de tous les moyens nécessaires à la définition et la mise en œuvre d’une stratégie ambitieuse. Ce ministère doit être doté des moyens humains, financiers et institutionnels qui lui permettront d’aborder de façon cohérente les facettes multiples du numérique, qui puisse faire rayonner tout notre savoir-faire, protéger nos intérêts, et faire du numérique une chance indiscutable pour toutes les composantes de notre nation.
Conscient des problématiques fortes et nouvelles que le numérique engendre, le ministère du numérique aura une vue transversale sur les questions éthiques, géostratégiques, énergétiques, d’emploi, de formation et d’inclusion liées au numérique, et réduira la fracture numérique. Il favorisera le déploiement cohérent et rapide des réseaux et des infrastructures de nouvelles générations, accélérera et accompagnera la transformation numérique de l’État, fera du numérique un atout majeur dans une politique renouvelée d’aménagement des territoires, grâce aux apports du télétravail et des nouvelles proximités. Il explorera les droits nouveaux du citoyen connecté, et les devoirs que le numérique implique d’imaginer (...)
Souvenons-nous qu’il y a un demi-siècle, le choix visionnaire de George Pompidou de créer le premier ministère de l’environnement n’avait pas été compris, alors qu’il est aujourd’hui incontestable. Assurément, celui de créer le premier ministère du numérique de plein exercice s’imposera comme une évidence historique aussi certaine. (...)