
Les discours politiques actuels ne jurent que par le « travailler plus ». Ils font fi de la réalité du travail (précarité des emplois créés, burn-out, souffrances physiques et psychologiques, chômage et pensions d’invalidité des seniors) ainsi que des aspirations grandissantes, à « ne plus perdre sa vie à la gagner ».
Les discours politiques actuels ne jurent que par le « travailler plus » : repousser l’âge de départ à la retraite, augmenter la durée d’une semaine de travail pour les « jeunes » et retrouver le plein-emploi. Ces propositions font fi de la réalité du travail (précarité des emplois créés, burn-out, souffrances physiques et psychologiques, chômage et pensions d’invalidité des seniors) ainsi que des aspirations grandissantes, révélées par la crise sanitaire, d’une partie des travailleurs, à « ne plus perdre sa vie à la gagner », slogan de mai 68 indémodable.
Pourtant, proposer de « travailler moins » semble tabou depuis la réforme des 35 heures hebdomadaires de 2000. Si la semaine de 4 jours séduit, la réduction légale du temps de travail à 32 heures – voire à 28 comme l’avait envisagé la Convention citoyenne pour le climat – est peu discutée dans le contexte de relance de la production que les élites politiques et économiques nous imposent. Travailler plus pour produire plus et consommer plus : hors du productivisme point de salut ! Or, une autre voie est possible et même nécessaire pour faire face à la crise écologique et sociale.
Réduire le temps de travail : une possibilité technique mais surtout un projet politique (...)
Ce projet de réduction massive du temps de travail s’accompagne d’un autre projet de société, qui valorise d’autres activités que celles productrices de valeur économique, d’autres indicateurs que la croissance du PIB et d’autres valeurs que l’appât du gain et le plaisir de la consommation. La réforme des 35 heures de 2000 a manqué de cette révolution culturelle. De plus, elle n’a pas été appliquée à toute une classe sociale, celle des cadres, qui continuent de travailler plus de 35 heures et récupèrent éventuellement le surplus en jours de congé comme si leur disponibilité totale quotidienne était vraiment nécessaire. Cette réforme a divisé les travailleurs entre ceux qui pourraient se permettre d’en faire moins et ceux censés être toujours présents. Elle a même été contrebalancée par la chasse aux heures supplémentaires, d’autant plus valorisées qu’elles ont été défiscalisées en 2007, même si elles ne sont pas toujours payées (...)
Aujourd’hui, en raison de la hausse des embauches à temps partiel, en contrat à l’heure ou contrat court, le projet de réduction du temps de travail semble moins urgent que celui de la stabilisation de l’emploi, notamment des travailleurs pauvres payés à l’heure. Avant le temps libre, la priorité serait de sortir de la précarité. Mais combattre cette précarité est un projet compatible avec une réduction massive de la durée légale du temps de travail.
Sortir du productivisme : une nécessité écologique (...)
Chaque activité de production a un coût écologique : nous devons maximiser celle réellement nécessaire pour satisfaire nos besoins sociaux et choisir collectivement de supprimer celles jugées superficielles voire nuisibles. Nous pouvons réorienter cette main d’œuvre vers les secteurs de production jugés essentiels, comme les services publics, actuellement sous-dotés et dont les agents sont épuisés, et permettre à tous de travailler moins.
La réduction radicale du temps de travail : un moyen pour sortir du productivisme (...)
Bien sûr, pour permettre une vraie transformation sociale, ce projet doit s’accompagner de réformes structurelles : d’une part, privilégier l’annualisation du temps de travail, pour organiser notre temps de vie selon des projets de long terme, à une simple réduction d’une heure par jour, qui ne supprime pas la consommation quotidienne liée au travail et peut donner lieu à une hausse de la consommation compensatoire. D’autre part, réorganiser la protection sociale fondée sur l’emploi à vie et à plein temps, en envisageant d’autres grilles de rémunération ou en découplant le revenu du nombre d’heures travaillées, pour stabiliser aussi les contrats courts et précaires et réduirait les souffrances occasionnées par des rythmes de travail intenses. Ce projet implique une révolution culturelle critique du productivisme et du capitalisme, présente après mai 68 puis étouffée, mais qui renaît depuis la crise sanitaire.
Travailler moins pour faire quoi ? Retrouver une autonomie existentielle et politique (...)
C’est retrouver l’expérience de l’autonomie dans l’organisation de notre temps, autonomie qui nous donne des ressources psychologiques pour être plus critique vis-à-vis de nos conditions de travail. C’est aussi retrouver un temps de réflexion collective pour transformer la société. (...)