
C’est la capitale de l’un des pays les plus riches d’Europe. Et pourtant, s’y loger coûte bien moins cher qu’à Paris, Londres ou Munich. Quelle est la recette viennoise pour maintenir un accès au logement à loyer modéré pour le plus grand nombre ? Une tradition de logement social et coopératif, un marché privé régulé, des mouvements associatifs vigilants et écoutés par les politiques.
À l’heure où un premier encadrement des loyers va enfin entrer en vigueur à Paris, ce 1er août, suivi par Lille fin 2015 et Grenoble en 2016, Basta ! est allé regarder du côté de l’instructive alternative autrichienne au logement cher.
« Érigé par la ville de Vienne entre 1926 et1927 avec les fonds de l’impôt pour la construction de logements ». L’inscription en larges lettres rouges s’étend sur la façade d’un immeuble du 5e arrondissement de la capitale autrichienne. Dans les années 1920, Vienne était fière de ses logements sociaux, qui s’appellent ici « communaux » (Gemeindewohnungen). Elle l’est restée. Les mêmes épigraphes ornent de nombreux immeubles de la capitale autrichienne. Et retracent l’histoire où « Vienne la rouge » bâtissait au profit de ses classes populaires. Une politique qui continue de porter ses fruits des décennies plus tard.
Cet héritage presque centenaire a aidé à maintenir un logement accessible dans un pays pourtant plus riche que la France et l’Allemagne. Dans les classements des métropoles européennes, Londres et Paris arrivent toujours parmi celles où se loger coûte le plus cher. Munich suit de près. Au contraire, Vienne apparaît comme l’une des villes les plus accessibles. Pas étonnant donc que trois-quarts des 1,7 million d’habitants de la capitale autrichienne soient locataires. 500 000 d’entre eux louent l’un des 220 000 logements sociaux de la ville. Soit plus d’un Viennois sur quatre, plus qu’à Paris qui compte 207 000 logements sociaux [1], et bien plus qu’à Londres, où les habitants des classes populaires sont poussés dehors (lire notre article sur l’épuration sociale en cours à Londres). Le bailleur social de Vienne, Wienerwohnen, se félicite d’être « le plus grand bailleur communal d’Europe ».
Des logements sociaux pour les moins de 30 ans
La situation viennoise du logement social est unique. Elle trouve ses origines dans la politique de la municipalité socialiste qui régit la ville après la Première Guerre mondiale et jusqu’en 1934 (...)
Autre pilier du logement bon marché à Vienne : l’habitat coopératif [2]. Les coopératives y gèrent plus de 235 000 logements, soit environ un quart des habitations de la ville. Et elles continuent à construire : 5000 logements neufs l’année dernière. Comme les coopératives louent à prix coûtant, là aussi, les loyers sont tout à fait modérés (...)
« Les loyers dans les logements coopératifs sont en moyenne de 20 % inférieurs à ceux du reste du secteur privé. Associé au logement communal, le secteur coopératif tire les prix de l’ensemble du marché locatif viennois vers le bas. » (...)
A Paris, la part des loyers dans le budget des ménage atteint, en moyenne 35% : plus d’un euro sur trois des revenus du ménage passe dans le loyer ! Ce qui n’empêche pas les professionnels français de l’immobilier de hurler au scandale depuis deux ans face à la perspective d’un prochain encadrement des loyers. Eux aussi pourraient jeter un œil sur le système viennois. Car en Autriche, une grande partie des loyers du secteur privé sont strictement régulés par la loi.
Un loyer de référence par ville est déterminée chaque année. Il peut ensuite être majoré ou minoré selon la situation du logement, l’étage, son équipement… (...)
Si un propriétaire ne respecte pas le niveau de référence, le locataire peut exiger une baisse du loyer auprès du médiateur de la ville ou d’un tribunal.
Tous les types de logements ne sont toutefois pas soumis à ce système d’encadrement. Les appartements aménagés dans des combles et ceux de plus de 130m2 en sont par exemple exclus. Et peuvent donc être loués à n’importe quel prix (...)
Malgré ces politiques volontaristes, la spéculation n’a pas épargné la capitale autrichienne. Entre 2000 et 2010, les loyers viennois ont augmenté de 37 %, et même de 67 % dans le secteur privé, selon l’initiative citoyenne contre la hausse du coût du logement Mietenwahnsinn stoppen !. Mais les Viennois n’ont pas tardé à se mobiliser pour échapper à une situation à la parisienne ou à la londonienne. Des associations de locataires et des militants pour le droit à la ville alertent depuis plusieurs années leurs élus sur la question.
Et, surprise : il sont entendus ! L’accès au logement se retrouve aujourd’hui au cœur de la campagne électorale pour les élections municipales d’octobre prochain. (...)