
Semé il y a une dizaine d’années par des néopaysans à la recherche de terres, un nouvel écosystème a pris racine dans la région de Vannes, en Bretagne. Il voit aujourd’hui fleurir les projets dans une belle énergie et une confiance en l’autre retrouvée.
Questembert (Morbihan), reportage
Les brebis ouvrent fièrement le cortège, conduites par Leica aux ordres de son maître. Le défilé se meut dans une parfaite osmose entre l’homme et l’animal. Si nous sommes quelques-uns à marcher ce matin-là, c’est pour commémorer une transhumance qui a eu lieu il y a 10 ans, au cours de laquelle des paysans sans terre avaient protesté trois semaines à travers la Bretagne contre un accès au foncier difficile pour les néopaysans. En effet, les structures administratives locales (Safer, Adasea, etc.) regardaient alors avec un certain dédain les requêtes de jeunes qui souhaitaient s’installer sur une vingtaine d’hectares et avec quelques brebis. (...)
Dix ans plus tard, et grâce à une forte dynamique collective, ils sont 180 à s’être installés et à vivre de leur activité, au sein de 75 fermes créées ou reprises, sur quatre communautés de communes. Ces installations créent huit fois plus d’emplois par hectare que la moyenne nationale, et ce au moment où les exploitations classiques se fracassent sur le marché mondial. (...)
En quelques années, ils ont créé sept magasins et un marché de producteurs, et sont venus renforcer les marchés, Amap et magasins bio de Vannes et de son arrière-pays. (...)
Dans ce sillon agricole, tout un écosystème s’est créé, de nombreux autres projets collectifs ont émergé. Des Sociétés coopératives et participatives (Scop) d’écoconstruction (Échopaille et Autrement bois construction) ; des lieux de vie collectifs (...)
Tous les ans, ce petit monde converge en juin au festival des Arzticots pour un moment festif et culturel sur les rives de l’Arz, la rivière qui traverse le territoire. (...)
Les rares s’étant essayés à investir des conseils municipaux pour amplifier le mouvement de renouveau ont vécu un tel décalage avec les élus qu’ils sont vite revenus s’investir dans les collectifs « parce que là, on avance ». (...)
Ils se sentent pourtant très engagés politiquement, mais différemment de la génération précédente. « Les structures collectives à l’ancienne ont du plomb dans l’aile. Quand on voit ce que sont devenus les partis politiques, les syndicats, les ONG… À force d’espoirs déçus, nous sommes devenus allergiques à ces structures pyramidales, bureaucratiques et hors-sol qui parlent en notre nom sans rien faire ni vivre à notre place », explique Éric Friedman. L’engagement se passe au quotidien, dans la manière de vivre, dans les fermes et dans les collectifs. La structure collective n’est plus qu’un lieu où les individualités se rencontrent pour mener des projets ensemble. Les collaborations deviennent beaucoup plus fluides, au gré des affinités qui se font et se défont. (...)
La proximité de la Zad de Notre-Dame-des-Landes se révèle aussi déterminante. Le camp climat qui s’y est tenu en 2009, l’opération César en 2012 et toutes les grandes mobilisations contre l’aéroport depuis ont été des expériences politiques fondatrices pour les acteurs du territoire de Vannes. Et c’est vrai que leur manière d’œuvrer ensemble fait beaucoup penser au quotidien de la Zad, où s’expérimentent depuis des années de nouvelles manières de vivre, de travailler, d’échanger, d’agir et de lutter. (...)