
Le moment des « grands » débats entre les candidats homologués est arrivé. Le premier s’est tenu, réservé à cinq d’entre eux, le 20 mars 2017 sur TF1. Pour savoir ce que d’immenses journalistes en ont retenu et avant d’y revenir, un détour par les semaines qui l’ont précédé n’est pas inutile [1]...
des tonnes de papier et des centaines d’heures d’émissions audiovisuelles ont été (et sont encore) consommées pour évoquer les turpitudes et les misères de François Fillon, les « affaires » qui gangrènent les autres candidatures, les mésaventures et les divisions de la « droite et du centre », mais aussi des « socialistes », des « progressistes » et des « patriotes » (du FN) comme on nomme les uns et les autres. (...)
Informer et enquêter sur tout cela ? Évidemment ! Mais gloser sans cesse et à tout propos sur les positionnements et les entrechats tactiques, ausculter les entrailles de l’opinion publique à grand renfort de sondages et de micros-trottoirs, abandonner le journalisme de diagnostics pour un journalisme de pronostics ?
Tous les médias ne sont pas logés à la même enseigne. Mais un peu partout les éditocrates en tout genre et les journalistes politiques de toutes catégories, les sondologues, « synergologues » et autres communicants, les permanents interchangeables des micros et des chroniques sont massivement mobilisés pour commenter en flux tendu et à en perdre haleine, pour éditorialiser et spéculer sur claviers, pour anticiper sur le jour ou l’heure d’après. Manquent à l’appel les cartomanciennes et les rédacteurs d’horoscopes, mais leur tour viendra peut-être. (...)
Le comble est donc atteint quand, au nom de cette actualité telle qu’ils la façonnent eux-mêmes, nos « grands » journalistes couinent sur l’effacement, plus ou moins prononcé selon les médias, du débat public sur les projets des candidats en campagne : un débat qui, pour une large part, dépend d’eux, même s’il existe en dehors d’eux.
Aveugles aux résultats de leur propre activité, ils se contemplent, mais ne parviennent pas à se reconnaître. Quand le doigt montre la lune, d’immenses journalistes regardent le doigt ! (...)