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Prix Nobel de littérature 2022 : Annie Ernaux, l’écriture au singulier pluriel
#AnnieErnaux #nobeldelitterature
Article mis en ligne le 7 octobre 2022

Se raconter, finement, précisément, à la première personne, pour finalement dévoiler des mécanismes collectifs. C’est l’œuvre puissante, féministe et universelle, que bâtit depuis 1974 Annie Ernaux, aujourd’hui récompensée d’un prix Nobel.

Ont suivi notamment La Femme gelée (1981), La Place (1983), Une femme (1987), Passion simple (1992), La Honte (1997), L’Événement (2000), L’Occupation (2002), Mémoire de fille (2016)… Jalons d’un « chemin d’écriture » qui a vu Annie Ernaux s’éloigner rapidement de la fiction au profit du récit personnel — jamais synonyme chez elle de complaisance ou d’épanchements narcissiques.

Une trajectoire au cœur de laquelle brille sans doute d’un éclat particulier Les Années (2008), l’éblouissante « autobiographie impersonnelle » qui a fait définitivement taire les ultimes contempteurs d’une œuvre résolument sans afféteries — et, pour cela, longtemps dénigrée avec une rare violence par l’arrière-garde machiste et académique de la critique littéraire —, d’une écriture qui toujours s’est efforcée de tout nommer au plus précis, au plus simple, au plus cru — les actes, les corps, les émotions : « Je suis venue au monde pour cela, pour dire ce qui m’est arrivé […]. C’est difficile, c’est lourd, mais c’est un devoir. Mon devoir. Pour que d’autres puissent s’avouer peut-être […] : vous me donnez envie de parler de moi. C’est ça, le rôle de l’écriture, quand elle mérite de s’appeler littérature. Un rôle de purification : de catharsis. » (...)

Ont suivi notamment La Femme gelée (1981), La Place (1983), Une femme (1987), Passion simple (1992), La Honte (1997), L’Événement (2000), L’Occupation (2002), Mémoire de fille (2016)… Jalons d’un « chemin d’écriture » qui a vu Annie Ernaux s’éloigner rapidement de la fiction au profit du récit personnel — jamais synonyme chez elle de complaisance ou d’épanchements narcissiques.

Une trajectoire au cœur de laquelle brille sans doute d’un éclat particulier Les Années (2008), l’éblouissante « autobiographie impersonnelle » qui a fait définitivement taire les ultimes contempteurs d’une œuvre résolument sans afféteries — et, pour cela, longtemps dénigrée avec une rare violence par l’arrière-garde machiste et académique de la critique littéraire —, d’une écriture qui toujours s’est efforcée de tout nommer au plus précis, au plus simple, au plus cru — les actes, les corps, les émotions : « Je suis venue au monde pour cela, pour dire ce qui m’est arrivé […]. C’est difficile, c’est lourd, mais c’est un devoir. Mon devoir. Pour que d’autres puissent s’avouer peut-être […] : vous me donnez envie de parler de moi. C’est ça, le rôle de l’écriture, quand elle mérite de s’appeler littérature. Un rôle de purification : de catharsis. » (...)

Un geste littéraire paradoxalement aussi éloigné de l’autobiographie, telle qu’on l’entend habituellement, que de l’autofiction. (...)

 : « Je me considère très peu comme un être unique, au sens d’absolument singulier, mais comme une som­me d’expériences, de déterminations aussi, sociales, historiques, sexuelles, de langages, et continuellement en dialogue avec le monde (passé et présent), le tout formant, oui, forcément, une sub­jectivité unique. Mais je me sers de ma subjectivité pour retrou­ver, dévoiler des mécanismes ou des phénomènes plus généraux, collectifs. » (...)

Annie Ernaux n’a jamais visé l’aveu, cherchant bien plutôt à atteindre ce ­qu’elle appelle « la valeur collective du “je” » : parler de soi pour tendre aux autres un miroir où se reconnaître et composer de livre en livre « une autobiographie qui se confonde avec la vie du lecteur ». (...)

C’est cette universalité, cette ascèse, son « courage » et son « acuité clinique » qu’ont décidé de distinguer les jurés du prix Nobel de littérature, intensifiant la lumière jetée sur l’œuvre féministe et universelle, puissante et sans complaisance de l’écrivaine, aujourd’hui âgée de 82 ans. (...)