
Une nouvelle fois, le pouvoir exécutif prend prétexte de la menace terroriste et argue de sa mutation pour tenter de renforcer dans l’urgence, et sans réel débat démocratique, un arsenal répressif d’exception déjà disproportionné.
Le ministère de l’Intérieur est déterminé à forcer le consentement à un projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, dont la teneur a été aggravée par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 22 juillet. Non seulement ce projet, examiné dans le cadre d’une procédure accélérée, multiplie les pouvoirs exorbitants de l’État sur les personnes suspectées mais de plus il vise la population dans son ensemble.
Les citoyens ne doivent pas se méprendre : nul n’est à l’abri, car, en fait de lutte contre le terrorisme, les mesures envisagées portent gravement atteinte aux libertés fondamentales de tous et dénaturent une société qui bascule dans la suspicion et la surveillance généralisées. (...)
L’antiterrorisme, doté de la légitimité suprême, autorise tout : il réinvente la neutralisation toujours plus précoce et se fait juge d’une intention terroriste « en devenir ». Donner à l’administration, et non plus au juge, le droit d’interdire aux citoyens de quitter le territoire car ils seraient « susceptibles » de constituer une menace à leur retour, étendre encore un arsenal pénal d’exception à des individus qui « auraient l’intention » de mener seuls des actes terroristes sans être au stade du commencement d’exécution, c’est bien considérer tous les citoyens comme suspects a priori. Le propre d’une « intention en devenir » est pourtant d’être si difficilement saisissable et si évidemment réversible ! Et ce ne sont pas les trop rares garanties prévues dans ce projet qui protégeront contre les dérives déjà connues en la matière ! (...)
En étendant le filet pénal et administratif à « l’intention », en faisant de la neutralisation préventive et du contrôle généralisé des populations un principe, en rognant sur les garanties procédurales qui, dans un État de droit, doivent s’appliquer à tous, ce gouvernement fait sombrer la démocratie dans l’État de terreur que recherchent ses détracteurs, il tombe dans le piège des terroristes.
L’Observatoire des libertés et du numérique dénonce tant l’esprit que le contenu de ce projet de loi et enjoint les parlementaires, qui examineront ce projet en septembre 2014, à refuser de mettre plus à mal les fondements de notre démocratie.