
Lors de son déplacement en Grèce en février, François Hollande a appelé les entreprises françaises à investir dans la terre et l’eau. Dans une lettre ouverte, Save Greek Water rappelle que ces biens communs n’appartiennent à personne. « L’eau n’est pas seulement un bien commun, c’est le symbole de la justice et de la liberté », écrit ce mouvement, qui considère que l’Europe se comporte en « oligarchie anti-démocratique ».
Français, nos frères !
Le 19 février 2013, votre président, François Hollande, s’est rendu dans notre capitale Athènes. « Notre message envers la Grèce est un message d’amitié profonde, de soutien, de confiance et de croissance » : voilà ce qu’a dit votre président. Avant d’appeler les entreprises françaises à investir… dans la terre et l’eau.
François Hollande et Antonis Samaras (Premier ministre grec) parlent « d’investissements » dans le domaine de la gestion des ressources en eau de la Grèce, ressources naturelles protégées par la Constitution grecque, qui n’appartiennent à personne d’entre nous, ni même au Premier ministre qui veut en faire commerce.
Nous connaissons très bien votre combat pour la protection des biens publics et sociaux et votre sensibilisation au sujet de la gestion de l’eau. (...)
Après l’impressionnant référendum italien pour l’eau, en 2011, le retour à la gestion publique dans de nombreuses villes françaises, la réglementation aux Pays-Bas en 2004 qui impose une gestion publique des services de l’eau, et la protection de l’eau par la constitution allemande, nous ne pouvons que nous demander : l’Union européenne nous considère-t-elle encore comme des Européens ? Et nous sommes tristes, justement parce que nous sommes Européens, non seulement pour nous, mais parce que nous allons devenir contre notre volonté le cheval de Troie de la marchandisation de l’eau partout en Europe. Nous savons que le peuple français ne s’enrichira pas de l’activité des multinationales françaises de l’eau, même si elle devait s’étendre jusqu’à la dernière de nos îles. C’est pourquoi nous vous invitons à vous tenir à nos côtés. Nous ne voulons pas de ces « investissements », qui signifient privatisation des gains et socialisation des coûts. Ce qui conduira notre pays à s’endetter jusqu’à la nuit des temps.
Nous voulons vous crier du fond de notre âme que la privatisation de l’eau, en Grèce, est une question qui concerne tous les Européens, qui depuis des années résistent vigoureusement à toute marchandisation des services de l’eau. (...)
En conclusion, le destin de la Grèce est aussi le destin de l’Europe. Une Europe qui se comporte en oligarchie anti-démocratique, installant une féodalité du XXIe siècle d’un nouveau genre, où la prise de décision est réservée aux lobbies.
Français, nos frères, nous les citoyens grecs, nous vous demandons d’être à nos côtés dans le combat que nous menons pour une gestion démocratique de nos ressources en eau, face à une troïka (FMI, Banque mondiale, Commission européenne, ndlr), qui décide et ordonne, et un gouvernement grec, qui n’est qu’aliéné, parfois de bon gré, aux directives du mémorandum. L’heure est venue que nous donnions ensemble un nouveau souffle à la devise liberté-égalité-fraternité.
Το εναντιούμενον τω δυναστεύοντι δήμος ωνόμασται. « On appelle démos (le peuple), ceux qui s’opposent au tyran. » Thucydide (460-394 av. J.-C.).