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Quand Veolia promet l’eau potable aux bidonvilles indiens
Article mis en ligne le 5 octobre 2013
dernière modification le 31 octobre 2013

L’Inde, nouvel eldorado, attire les multinationales de l’eau. Les infrastructures défaillantes rendent difficile l’accès à l’eau courante, et le marché indien est devenu une cible privilégiée pour l’industrie française, et notamment Véolia.

L’entreprise a annoncé en fanfare la signature de nouveaux contrats à Nagpur, Delhi et ailleurs. Objectif : redorer le blason de la gestion privée de l’eau.

Mais sur le terrain, entre scandales financiers, augmentation des tarifs de l’eau, et conflits avec les résidents et les élus locaux, les firmes françaises semblent retomber dans les travers de jadis. Au point que des élus demandent l’annulation de contrats.

Enquête.

« Depuis quelques mois, dans son bidonville de Dharampeth, au centre de Nagpur, Minaj, 54 ans, se sent riche. Elle a l’eau courante, 24 heures sur 24, sept jours sur sept ! Un privilège que n’ont même pas les classes supérieures de Delhi ou de Bombay…. », s’enthousiasmait Paris Match il y a un an. D’autant que cette « révolution », est « initiée par une entreprise française », Veolia en l’occurrence. « Première en Inde : une ville promet l’eau pour tous », renchérissait Le Figaro. Et ce, grâce à la France, ou plutôt à l’un de ses champions en matière de gestion de l’eau ! Quelques mois après la signature par Veolia d’un contrat avec la municipalité de Nagpur, dans le centre de l’Inde, les journalistes qui reviennent de leur voyage de presse, organisé par la multinationale, sont élogieux. Grâce à la gestion déléguée du service de l’eau, les 2,4 millions d’habitants de Nagpur vont bénéficier de l’eau potable courante.

Qu’en est-il un an plus tard ? (...)

Le prix de l’eau y a augmenté de 3 à 8 roupies par kilolitre (équivalent au m3). Soit 10 centimes d’euros par m3 d’eau potable [2], ce qui a provoqué de violentes manifestations des résidents. « En Inde comme ailleurs, le prix de l’eau est exclusivement décidé par l’autorité délégante du service. Ni Veolia ni son partenaire local n’interviennent donc dans cette décision, même si nous nous mobilisons aux cotés de tous les acteurs impliqués dans la gestion de l’eau pour que ce prix reste abordable pour la population locale », a réagi Patrick Rousseau, directeur général de Veolia Inde. Reste que l’évolution du prix de l’eau ne peut pas être sans lien avec la conclusion d’un contrat public – privé, et les négociations financières que cela implique.

En 2011, une étude indépendante de l’Administrative State College of India conclut que l’objectif d’approvisionnement en eau courante de tous les foyers de la zone de Dharampeth n’a été atteint qu’à 50%. L’étude note également que la firme française n’a pas remplacé les vieilles canalisations. Les résidents n’ont donc pas renoncé à leurs anciennes habitudes de stockage de l’eau, ce qui annule les bénéfices sanitaires d’un approvisionnement continu. En avril 2013, une partie de la zone de Dharampeth reçoit toujours son eau potable au moyen de camions-citernes. Nous sommes encore loin de l’eau courante pour tous. (...)

our les détracteurs de la gestion privée, ces nouvelles factures « légales » associées à l’arrivée de l’eau courante demeurent financièrement hors de portée des habitants des bidonvilles. D’autant que l’installation de compteurs est entachée de pratiques de corruption de la part de certains agents du consortium OCW, qui facturent des services normalement gratuits. La mise en place de méthodes de « social business » destinées à toucher les populations les plus pauvres – avec par exemple l’emploi de « water friends » pour sillonner les quartiers et œuvrer au « changement de mentalités » attendu – suffira-t-elle à atténuer cette dure réalité ?

Pour l’instant, les dépenses annuelles de la municipalité pour le service de l’eau ont augmenté. Fin 2012, la municipalité a relevé son budget estimé pour l’opération de 46 à 67 millions d’euros [3]. Soit une augmentation de presque 50%. L’opposition municipale critique l’ampleur des frais de gestion payés à OCW, dont Veolia est actionnaire majoritaire. (...)

en attendant de pouvoir relier le 2,4 millions habitants de Nagpur à des canalisations rénovées, Veolia doit coordonner une vaste flotte de camions-citernes. Une tâche laborieuse : 240 camions effectuent 1440 déplacements par jour. Un approvisionnement en eau aléatoire pour les habitants mais un business lucratif qui génère pots-de-vin en situation de pénurie, voire des détournements d’eau. Des pratiques qui ont entraîné au printemps 2013 des émeutes dans plusieurs quartiers, les élus locaux étant parfois au premier rang pour saccager ou brûler les bureaux de l’opérateur privé. (...)