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Basta !
Quand des lycéens du Nord de la France invitent un jeune migrant à venir leur raconter sa terrible histoire
Article mis en ligne le 5 septembre 2017

Menacé en Guinée, emprisonné en Libye, gardé à vue en France : un jeune migrant raconte son périple à des lycéens

Réduire la distance, échanger par écrit, se rencontrer, peut-il permettre une meilleure compréhension et éviter l’exclusion et la mise au ban des plus démunis ? Olivier Favier, contributeur pour Basta ! et intervenant en milieu scolaire, livre son récit d’une expérience à travers laquelle des lycéens du Pas-de-Calais ont correspondu avec un jeune migrant, arrivé seul en France au péril de sa vie, avant de le rencontrer autour d’un atelier de théâtre. Un témoignage sensible, qui démontre l’utilité d’une telle démarche éducative et artistique pour rapprocher des univers – en apparence – très éloignés. (...)

« Le fait que tu aies le même âge que nous, nous a permis de nous identifier plus facilement, de nous mettre à ta place, de visualiser la situation, de prendre conscience de notre confort. Avant la lecture de ton histoire, nous avions une vague idée de la difficulté de l’aventure pour arriver en France. Ainsi, nous admirons ton courage et ta force de caractère. Il serait difficile pour nous d’affronter les obstacles que tu as rencontrés. Nous sommes choqués de la violence dont tu as été témoin, et parfois même victime. (…) En tant que jeunes Français, nous sommes déçus par l’accueil qui vous est destiné, sans connaître votre histoire. Le fait d’avoir été menotté et placé en garde à vue dans un commissariat sans motif valable, ne respecte ni la devise française : Liberté, égalité, fraternité, ni les Droits de l’homme. »

Les auteurs de cette lettre sont des jeunes de seconde et première d’une classe option théâtre du lycée Ribot, à Saint-Omer dans le Pas-de-Calais. (...)

Ils vont découvrir la réalité des migrations en correspondant avec cinq jeunes de leur âge, récemment arrivés en France, de ceux que la nomenclature administrative actuelle qualifie de « mineurs non accompagnés », arrivés récemment en France. Parmi eux, Louncény, dont cette correspondance est le prélude à une rencontre avec les jeunes du lycée Ribot. Ce projet, organisé en marge du festival Prise directe consacré aux écritures théâtrales contemporaines, vise à susciter une correspondance entre ces adolescents [2] Dans ce cas, l’échange s’est poursuivi bien au-delà du projet initial, dépassant nos attentes. (...)

Comme d’autres enfants ayant triomphé de situations semblables, Louncény me frappe par sa sagesse, son rire communicatif et son indéfectible confiance en la bonté des êtres humains. Il est vrai qu’on ne peut guère douter de son courage et de son ouverture aux autres. Quand il m’a raconté son histoire, il a conclu par ces mots : « J’ai fait beaucoup de souffrance dans mon âge. J’ai vu l’enfer. Je ne suis pas mort. » (...)

Note : En octobre prochain, Laetitia Ajanohun et moi-même ferons une première résidence avec Louncény et deux autres jeunes afin de commencer l’écriture d’un texte collectif. La version définitive sera présentée à Marseille en juin 2018. Les adolescents en seront les interprètes. Ensemble, avec deux autres comédiennes, un chorégraphe et quelques bénévoles, nous avons déjà monté en juillet dans l’Aisne un atelier-théâtre pour une quinzaine de mineurs non accompagnés et de jeunes majeurs. Louncény et deux de ses camarades ont pris part à cette aventure. Ils sont allés à la rencontre des familles de la petite commune de Merlieux, ont évoqué les souvenirs des villages de leur enfance – certains n’y avaient passé que quelques semaines chez leurs grands-parents. À la fin du séjour, le spectacle a permis de créer un bel échange avec les habitants.