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Quand l’industrie minière assèche les fleuves et désertifie les villes
Article mis en ligne le 16 janvier 2016
dernière modification le 11 janvier 2016

Le Chili dépend fortement de ses exportations de cuivre. Mais le revers de la médaille est désastreux. Les multinationales minières ont dévasté des territoires, pompant et polluant l’eau, asséchant fleuves et lagunes, poussant à l’exil l’entière population de villages. Et ce, en toute impunité, l’État chilien n’ayant pas rompu avec certaines pratiques initiées sous la dictature de Pinochet. La société civile résiste malgré tout, et fait parfois reculer les géants miniers.

Le fleuve pollué à l’arsenic et à l’acide sulfurique...

« Codelco et Soquimich ont tué le Loa », explique Eliana Soza. Installée derrière la caisse du minimarché poussiéreux qu’elle tient avec son mari, elle raconte la catastrophe. Née à Quillagua il y a 53 ans, elle a vu le fleuve mourir brutalement, suite à la rupture de réservoirs d’eau contaminée par les déchets miniers de la compagnie publique Codelco, spécialisée dans l’extraction de cuivre. « C’était en mars 1997, se souvient-elle. Il y a eu de gros orages qui ont fait déborder les piscines d’eau contaminée. Il y a eu une coulée de boue noire qui s’est mélangée au fleuve. Les poissons sont morts, tous les animaux qui vivaient dans l’eau sont morts. »

La même catastrophe s’est répétée trois ans plus tard, en février 2000. En plus du fleuve, l’air et les champs alentours ont été durablement contaminés par les déchets miniers – en particulier l’arsenic et l’acide sulfurique : le bétail est mort, ainsi que les abeilles. Il est devenu impossible de cultiver les champs. La présence d’arsenic dans le sol s’étant élevée à des taux dix fois supérieurs au seuil critique.

Malgré les rapports d’experts, le ministère de l’Environnement a dédouané Codelco. L’entreprise n’a donc jamais été poursuivie, et n’a jamais versé un seul centime pour réparer les dommages subis par la communauté. Sans possibilité de cultiver la terre, et privés des revenus auparavant issus du tourisme et de l’élevage des crevettes de rivière, les habitants sont tombés dans les filets d’une autre compagnie minière, Soquimich, qui a racheté 70 % des droits d’extraction de l’eau détenus par la communauté.
...Puis asséché par une autre compagnie minière

Au Chili, depuis la loi sur l’eau instaurée en 1981 sous la dictature militaire du général Pinochet, l’eau est un bien commercial comme un autre, que l’on peut posséder, acheter et vendre (...)

Si aujourd’hui les déchets de la mine El Salvador ne sont plus rejetés directement dans la baie, c’est grâce à l’action des citoyens qui, en 1988, ont saisi la Cour suprême pour faire interdire cette pratique. Codelco a été contraint de faire construire un canal de décantation des déchets, mis en service en 2001. « Les eaux usées sont acheminées sur 78 kilomètres jusqu’à Caleta Palito, au nord de la baie. Les déchets solides tombent dans le fond du canal, et l’eau claire qui reste en surface est rejetée dans la mer… », explique Manuel Cortés. Malgré cette première victoire, le combat des habitants de Chañaral continue : « Nous exigeons la reconnaissance et la réparation des dommages subis par notre communauté. Nous réclamons le droit à vivre dans un environnement libre de contamination, comme le garantit l’article 19 de notre Constitution », martèle Manuel Cortés. (...)