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Quand la prison se met à table
#prison #droits_libertés #système_pénitentiaire
Article mis en ligne le 29 octobre 2022
dernière modification le 28 octobre 2022

C’est à Marseille que va bientôt ouvrir le premier restaurant en prison de France accessible au public. Un établissement semi-gastronomique qui fleure bon le greenwashing carcéral tout en se voulant « chantier d’insertion ». Et qui ne risque pas d’améliorer les conditions de détention. À commencer par les problèmes de nourriture.

En prison, la plupart des détenus ont un surnom. Lui, trapu, l’air bourru, c’est « le Russe ». Sa passion ? Le jardinage. Avec mille précautions, il arrose chacune des plantes de son drôle de jardin. Le soleil tape dur et les murs qui encerclent le potager renvoient la chaleur. Après avoir fini d’arroser, voilà qu’il propose ses tomates à la cantonade. Ça a quel goût, une tomate qui a poussé en prison ? Rouge et ronde, croquante et juteuse, elle ne semble guère différer de ses congénères. Il y a pourtant comme un arrière-goût...

Il en sera vraisemblablement de même pour les plats qui seront bientôt servis à la clientèle du premier restaurant carcéral hexagonal accessible au public. L’ouverture est prévue en octobre au centre pénitentiaire des Baumettes, à Marseille : un resto semi-gastronomique d’une quarantaine de couverts avec, en cuisine comme en salle, des détenus. Le nom est d’un goût aussi douteux que l’initiative : Les Beaux Mets.

Sur son site web, la table promet une « expérience culinaire » et un « moment savoureux ». Pas de barreaux aux fenêtres, une vue très partielle sur le reste de la prison et une déco tout en sobriété : il ne faudrait pas que les convives perdent l’appétit. Mais, on reste en prison. Pour manger aux Beaux Mets, il faudra réserver au plus tard 72 heures à l’avance, le temps que les casiers judiciaires soient passés au peigne fin. Et, à l’intérieur, comme dans toute prison, les poches ne devront contenir ni argent ni téléphone. Quant à l’alcool : proscrit.
« Chantier d’insertion »

Cette première hexagonale s’inspire d’établissements déjà existants en Italie et en Angleterre. La version française, à vocation com’ pénitentiaire, se trouvera à la SAS, la « structure d’accompagnement vers la sortie ». Un quartier expérimental visant à éviter les sorties « sèches » pour la petite centaine de détenus en fin de peine qui y sont incarcérés. Car Les Beaux Mets se veut aussi « chantier d’insertion ». La dizaine de détenus qui s’activeront en salle comme en cuisine seront en effet formés (et payés, a minima au Smic horaire) pendant au moins quatre mois par une association, Festin, à l’origine de plusieurs projets mêlant social et cuisine. (...)

En prison, la plupart des détenus ont un surnom. Lui, trapu, l’air bourru, c’est « le Russe ». Sa passion ? Le jardinage. Avec mille précautions, il arrose chacune des plantes de son drôle de jardin. Le soleil tape dur et les murs qui encerclent le potager renvoient la chaleur. Après avoir fini d’arroser, voilà qu’il propose ses tomates à la cantonade. Ça a quel goût, une tomate qui a poussé en prison ? Rouge et ronde, croquante et juteuse, elle ne semble guère différer de ses congénères. Il y a pourtant comme un arrière-goût...

Il en sera vraisemblablement de même pour les plats qui seront bientôt servis à la clientèle du premier restaurant carcéral hexagonal accessible au public. L’ouverture est prévue en octobre au centre pénitentiaire des Baumettes, à Marseille : un resto semi-gastronomique d’une quarantaine de couverts avec, en cuisine comme en salle, des détenus. Le nom est d’un goût aussi douteux que l’initiative : Les Beaux Mets.
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« Chantier d’insertion »

Cette première hexagonale s’inspire d’établissements déjà existants en Italie et en Angleterre. La version française, à vocation com’ pénitentiaire, se trouvera à la SAS, la « structure d’accompagnement vers la sortie ». Un quartier expérimental visant à éviter les sorties « sèches » pour la petite centaine de détenus en fin de peine qui y sont incarcérés. Car Les Beaux Mets se veut aussi « chantier d’insertion ». La dizaine de détenus qui s’activeront en salle comme en cuisine seront en effet formés (et payés, a minima au Smic horaire) pendant au moins quatre mois par une association, Festin, à l’origine de plusieurs projets mêlant social et cuisine. (...)

Aux Beaux Mets, les menus tourneront plus « modestement » autour de 20-30 euros et les plats seront réalisés avec des « produits frais, locaux et de saison ». Un comble, dans un établissement où la nourriture qui est servie d’ordinaire aurait bien du mal à trouver sa place dans le guide Michelin.
« Même un chien n’en voudrait pas »

La « gamelle » – comme on appelle le repas servi aux détenus – , porte malheureusement bien son nom. Aux antipodes du trois étoiles. Dans son dernier rapport d’inspection aux Baumettes, en mars 2020, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) indiquait en effet que « l’attention [...] a été attirée par des grammages et pré-conditionnements relativement faibles. À titre d’exemple, une pièce de viande de 110 g, une portion de fromage de 20 g, ou un dessert de 100 g. De tels conditionnements [...] peuvent aboutir à des repas insuffisants en quantité, en particulier pour des détenus [...] pratiquant un sport et/ou une activité rémunérée. » En clair, alors qu’aux Beaux Mets certains mettront bientôt les pieds sous la table, aux Baumettes, ceux qui sont enfermés n’ont pas assez à manger.

À la suite d’une mission d’inspection du ministère de la Justice datant de 2019, une « commission restauration » avait pourtant déjà été mise en place dans le centre pénitentiaire. Preuve, si besoin est, qu’il y a quelques soucis. (...)

« C’est dégueulasse ! Même un chien n’en voudrait pas ! » lâche un détenu. Au point qu’un de ses camarades de galère a rédigé un manuel pour « accommoder ou transformer les plats servis ». Las, visiblement ça ne suffit pas. « J’ai beau savoir cuisiner, souvent, c’est impossible de rattraper ou d’utiliser ce qu’on nous sert », renchérit un cuistot incarcéré.

Pendant ce temps, aux Beaux Mets, il se pourrait que des chefs s’invitent pour « signer » un plat ou animer une masterclass. La « table bistronomique » pourrait même inscrire à sa carte les fruits et légumes produits en prison. Qui, jusqu’à présent, servaient aux détenus à améliorer l’ordinaire. Mais, avis aux gourmets : une tomate qui a poussé en détention, elle a beau être rouge et ronde, croquante et juteuse, elle a un goût amer.