
La guerre en Ukraine se passe loin du continent africain, mais l’Afrique, aussi, est concernée...
Oui, l’Afrique est concernée. Parce qu’on a des centaines de morts, peut-être bientôt des milliers, des centaines de milliers de déplacés et de réfugiés. Et donc des drames humains qui devraient nous interpeller tous. Au même titre que toutes les souffrances sur tous les théâtres de conflits dans le monde.
Nous sommes aussi sidérés par cette invasion de l’Ukraine par la Russie décidée par Vladimir Poutine. Cela est injustifiable. Comme le furent les interventions des États-Unis et de l’Otan dans de nombreux pays, parfois sous des prétextes fallacieux et en violation plus ou moins flagrante du droit international.
L’Afrique est aussi concernée parce que la guerre déclenchée par le président russe provoque déjà et provoquera des dégâts économiques considérables, notamment une flambée des prix de l’énergie, du transport, du blé et d’autres produits alimentaires. Les populations africaines vont être affectées et le coût pourrait être plus élevé qu’ailleurs, les États ayant des marges financières fort limitées pour atténuer l’impact des hausses de prix sur les familles.
Et bien sûr, nous sommes concernés aussi parce que des centaines de ressortissants africains, majoritairement des étudiants, ont été piégés par cette guerre en terre européenne et ont subi et subissent encore des manifestations de racisme, en fuyant la violence.
Le racisme ou ce qui y ressemble beaucoup transparaît aussi dans des réactions dans les médias occidentaux, dites-vous.
On a entendu sur des chaînes européennes ou américaines des journalistes et des commentateurs s’émouvoir que la guerre affecte des gens qui leur ressemblent. Des Européens qui ont des voitures, qui appartiennent à la classe moyenne, qui sont tués ou qui sont jetés sur les routes de l’exil. Lorsque ce sont des Irakiens, des Syriens, des Afghans, des Libyens ou d’autres Africains, la guerre et les drames qu’elle provoque ne seraient donc pas comparables…
En réalité, il n’y a pas de surprise, mais les événements actuels nous le rappellent : certains, peut-être même beaucoup, continuent à croire en la supériorité de leur civilisation par rapport à toutes les autres. Compte tenu de l’ampleur des moyens de destruction et d’autodestruction massive dont se sont dotés les humains au cours du dernier siècle, on peut légitimement craindre le pire.
Vous dites que la condamnation sans réserve de l’invasion de l’Ukraine ne devrait pas être accompagnée d’une injonction à faire de la propagande pour un camp ou un autre (...)
Les analystes, anciens diplomates ou officiers supérieurs occidentaux qui ne cèdent pas à la tentation de la propagande, admettent cependant que l’Otan et donc les puissances occidentales ont une part de responsabilité dans la radicalisation progressive des positions d’un Poutine dont on connaît le parcours et les frustrations, les plus anciennes comme les plus récentes.
Alors que la Chine observe et attend, et que beaucoup de puissances militaires moyennes du monde se font aussi prudentes, les pays africains devraient l’être encore davantage. Regardons de près ce monde dangereux. Essayons d’en anticiper les prochaines secousses et essayons de ne pas servir de terrain de bataille pour ceux qui ont des ambitions de puissance et de suprématie.
Et espérons que ceux qui ont déjà créé les conditions d’une destruction progressive de la planète par leur boulimie de ressources n’y feront pas disparaître encore plus vite les êtres qui y vivent par une guerre totale. (...)