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Rue 89 Bordeaux
Quel horizon pour l’Eclaircie, le plus gros squat de la métropole bordelaise ?
Article mis en ligne le 9 mars 2021

Depuis plusieurs mois, l’ex-maison de retraite de La Clairière, située à Gradignan mais appartenant à la Ville de Bordeaux, est occupée illégalement par environ 130 personnes. Cette présence retarde la construction d’un groupe scolaire dans le cadre d’un gros projet d’aménagement métropolitain. Si les mairies de Bordeaux et de Gradignan travaillent à une « résorption » du squat, le site est l’objet de plusieurs recours.

(...) Aujourd’hui, environ 130 personnes occupent illégalement cet ex-Ehpad, fermé depuis le transfert de l’établissement à Caudéran en 2013. La très grosse majorité sont des demandeurs d’asile, de nationalités diverses : algérienne, albanaise, géorgienne… La plupart ont fui la guerre, la mafia et sont venus seuls ou en famille, avec des enfants à l’insouciance fauchée en chemin.
« On a créé une micro société en autogestion »

Entouré d’un parc arboré, le terrain et le bâtiment tout en longueur appartiennent au Centre communal d’action sociale (CCAS) de Bordeaux. Sur place, l’électricité fonctionne. Des points d’eau ont été installés à plusieurs endroits. La nourriture et les produits de première nécessité proviennent essentiellement de dons. Le lieu se divise en deux ailes avec, à l’intérieur, deux squats distincts.

La première est occupée par 13 femmes seules, au rez-de-chaussée, avec une salle de bain collective. Au-dessus vivent 17 familles avec chambre double et salle de bain individuelle. Ce lieu de vie, baptisé L’Eclaircie, est autogéré avec un accompagnement social et associatif via le collectif Partout chez Elles.

Depuis juin, « cette grosse coloc » comme la surnomme Juliette, co-fondatrice du collectif, vit au rythme des doutes, des peurs mais aussi de belles rencontres et de fêtes d’anniversaires célébrées ensemble. « Une famille chinoise s’est par exemple liée d’amitié avec une famille de Guinée », confie la militante qui habite sur place.

« On a vraiment créé une micro-société en autogestion avec des règles à respecter, notamment pour le ménage des parties communes qui s’effectue trois fois par semaine. Les enfants sont responsables de la bibliothèque », poursuit-elle.

Se prostituer pour pouvoir voyager

Casquette vissée sur la tête, Myriella (prénom d’emprunt) vit avec deux de ses enfants : une fille de 9 ans et demi et un garçon de 4 ans. Sous un soleil printanier, cette maman de 34 ans retrace sa vie d’un noir d’encre. « Un vrai calvaire. »

Myriella vient de la République démocratique du Congo (RDC), où cette chrétienne menait une existence de commerçante, mais cotoyait la guerre, subissant viols et menaces de mort. Des menaces visant sa fille aînée l’ont poussée à partir pour tenter de rallier Bordeaux, où une copine pouvait l’aider. (...)

L’avenir en France de Myriella est compromis : sa demande d’asile a été rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Elle attend la décision finale du Conseil d’Etat avec la crainte de recevoir ces prochaines semaines une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

En attendant, pour s’occuper et montrer sa volonté de s’intégrer, elle est bénévole au sein de l’association Le 4 de Bordeaux. Elle prie et chante beaucoup aussi, d’après sa voisine de palier, une Française de 50 ans, en galère depuis l’incendie de son appartement à Libourne en 2018.
« Un véritable harcèlement de la police municipale »

Myrielle voit que ses enfants « se plaignent, ne sont pas bien ». Elle appelle tous les jours le 115, « mais il n’y a pas de place d’hébergement ». Son garçon a peur de jouer dehors. (...)

Auprès de Rue89 Bordeaux, Juliette dénonce un « véritable harcèlement » de la police municipale qui aurait été envoyée « jusqu’à dix fois par jour » entre l’ouverture du squat, la « tentative de la part du maire de Gradignan d’une expulsion sauvage et illégale du lieu » et le procès au tribunal administratif en octobre. « Les enfants ont été terrorisés. »

D’après la militante, le nombre de passages se seraient réduits depuis. (...)

en lieu et place de ce site est (déjà) prévue la construction d’un groupe scolaire (17 classes – 6 maternelles et 11 élémentaires) pour un montant estimé à 12,7 millions d’euros TTC (8 millions à la charge de la Ville de Gradignan, le reste à Bordeaux Métropole). Date de livraison prévue : rentrée de septembre 2022.

Il s’agit de la première grosse opération dans le cadre de la « ZAC de Centre-Ville » de Gradignan, un énorme projet métropolitain programmé sur 15 ans, dont l’aménageur est la Fabrique de Bordeaux Métropole. Pour faire simple, cette ZAC s’étendra sur près de 30 hectares avec la construction de 1 000 logements, de commerces, services et bureaux ainsi que la construction et la reconstruction d’environ 7 500 m2 d’équipements publics.

Aujourd’hui, la construction de ce groupe scolaire – liée à la réalisation d’un second groupe dans le sud de la ville – est retardée en raison de l’occupation illégale du terrain depuis le mois de juin. Le 25 janvier, les élus de Gradignan ont voté la suspension des études des deux groupes scolaires. (...)

Le CCAS demande le concours de la force publique… avant de faire machine arrière

Pierre Hurmic a fait machine arrière en raison de l’évacuation d’un autre squat : celui de la zone libre de Cenon (300 personnes expulsées et dispersées), le 11 février, suscitant une vague d’émotion et d’incompréhension parmi les associations, les élus et l’Archevêché de Bordeaux. Le maire écolo avait notamment trouvé « le moment très inopportun », malgré une procédure similaire lancée du côté de Gradignan…
La résorption plutôt que l’expulsion

La Ville de Bordeaux a alors demandé la suspension du concours de la force publique. Aujourd’hui, elle assure que l’évacuation n’interviendra pas avant la fin de la trêve hivernale, le 31 mai. (...)