Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Non-Fiction
Quelles places publiques pour la démocratie ?
Quand la place devient publique Broché – 19 avril 2018 de Zask Joelle
Article mis en ligne le 17 juin 2018
dernière modification le 13 juin 2018

Le récent « mouvement des places » (Tahrir, Gezi, Maïdan, Puerta del Sol, République, etc.) est étudié par des sociologues. Des historiens se penchent sur le rôle de la configuration des lieux publics au cours des événements. Des spécialistes du baron Hausmann analysent la conception de la place urbaine élaborée par ses équipes pour Paris. Bref, que ce soit en référence à telle ou telle ville, à telle ou telle période, la question des places est désormais centrale alors que sa nouveauté est toute relative.

La centralité qu’elle occupe de nos jours est liée à l’idée d’un « droit à la ville », qui a fait son chemin dans les esprits. Il était temps que les philosophes s’en mêlent plus directement, surtout à une époque où l’on pense ou projette de « reconstruire la société civile » et « l’action collective » à partir de la notion de places publiques. Au demeurant, la philosophe Joëlle Zask, qui s’en empare ici à son tour, n’est pas dupe de ce qu’elle peut apporter à la réflexion politique : pour cette spécialiste de John Dewey, il est exclu de considérer la place comme une cause déterminante des pratiques des individus qui la fréquentent. Mais la place publique peut être abordée comme un facteur qui dispose aux modes de vie démocratiques.

Places et rues occupent les imaginaires révolutionnaires. Surtout que les places, notamment, demeurent le seul lieu « évident » de rassemblement de foules décidées à fédérer leurs efforts pour obtenir plus de justice ou la dignité des personnes. Elles sont le lieu par excellence où les masses peuvent imposer une démonstration à un pouvoir. Mais « se rassembler sur la place, est-ce ipso facto faire acte de démocratie » ? Plusieurs phénomènes invitent en effet à s’interroger : l’installation de plus en plus fréquente de la surveillance vidéo sur les places, la présence des barrières anti-terrorisme, la colonisation des places par les commerces… Et que dire des places infréquentables pour les manifestants, telles que la Place rouge ou la place Tian’anmen ?

Finalement la place publique n’est en rien, à première vue, un espace nécessairement démocratique. Or s’il est des places à l’aménagement vertical qui sont peu démocratiques, le projet de leur redonner tout leur potentiel politique impose de penser des places à aménagement horizontal. En ce sens, il ne s’agit pas seulement de poser le problème de l’appropriation de la place publique. Zask part ainsi à la recherche de la place imaginable dans un régime démocratique. Quelle serait cette place ? (...)

Trouver sa place sur la place ?

Il faudrait donc créer des espaces cohérents au sein desquels les gestes et les objets pourraient prendre place ensemble, sans céder à la symbolique unitaire et centralisatrice de la place habituelle. Un espace homogène nivelle la conduite des personnes, la perception qu’ils ont les uns des autres et d’eux-mêmes. Un espace démocratique devrait suspendre la domination et l’esprit de conquête.

Mais on ne doit pas céder non plus aux mythes. Par exemple, celui de la référence à l’agora, dont on sait aujourd’hui qu’elle vaut surtout pour sa qualité fictive et métaphorique. (...)