
La crise qui a débuté en 2007 a mis au premier plan la question des inégalités. D’une part, parce que la concentration de la richesse socialement produite a été un des détonnateurs principaux de la crise. D’autre part, en raison de la scandaleuse absence de correlation entre les responsables de l’effondrement économique et ceux qui en subissent les conséquences. Ce contexte a donné lieu à un débat plus fondamental sur la relation entre la croissance économique (ou plus largement de la dynamique propre du capitalisme) et les inégalités. Le capitalisme a t-il permis de réduire les inégalités entre riches et pauvres ou au contraire les a-t-il renforcées ? Le monde est-il moins inégal aujourd’hui qu’il y a 200 ans ?
De même, comme nous le mettrons en avant dans la partie finale du texte, la concentration croissante tant des revenus que des patrimoines, au cours des dernières décennies est étroitement liée à l’actuelle crise de surendettement (principalement privé) et du risque de stagnation sur le long terme qui en découle. |1|
Il ne s’agit pas tant d’un débat technique que politique dans la mesure où il questionne un système doté d’une capacité productive sans commune mesure avec les systèmes qui l’ont précédé mais également d’une pire répartition de la richesse qu’il y a deux siècles (sans tenir compte des résultats pernicieux de ce mode de production sur l’environnement, question qui ne sera pas traitée dans le présent article).
Le débat sur la répartition de la richesse trouve son origine dans les origines même de l’économie moderne. David Ricardo, économiste classique, considéré comme pionnier en matière macro-économique commençait son livre principal (Principes de l’économie politique et de l’impôt, publié en 1817) en affirmant que "le problème principal de l’économie politique était de déterminer les lois qui régulent la répartition de la richesse. (...)
Les données issues de la World Top Incomes Database ont montré une croissance homogène des revenus entre les différentes classes sociales aux Etats-Unis depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’aux années 1970. La crise ralentit alors la croissance économique tandis les inégalités commencent à augmenter. A partur des années 1980, cette augmentation des inégalités explose et et plus concrètement la distance qui sépare le 1% le plus riche du reste atteint des niveaux inédits depuis les années 1920. (...)
Les origines des inégalités : distribution primaire et secondaire
Sans prétendre à l’objectivité on peut observer les déterminants des inégalités à deux moments. D’une part, à l’obtention du revenu dans le processus de production, thème qui a préoccupé les auteurs classiques (Smith, Ricardo et Marx). D’une part, une fois ces revenus obtenus a lieu l’action redistributive de l’Etat par le biais de l’imposition (avec les impôts, taxes et contibutions spéciales) ainsi que les transferts. A cela, il faut ajouter la dépense publique comme élément de redistribution et plus particulièrement les dépenses sociales (éducation, santé, pensions et services sociaux, c’est à dire les 4 pilliers de l’Etat de bien-être. En conséquence, le processus de répartition de l’impôt en plus de l’accumulation de richesses, loin d’être seulement une question technique est également hautement politique.
Dans une économie capitaliste, l’excédent généré socialement est réparti entre les facteurs capital et travail. Plus concrètement, comme Marx l’a expliqué, le capital détient la propriété des moyens de production et achète la force de travail nécessaire pour mener à bien le processus de production. Le salaire qui sert à payer cette force de travail n’est pas une simple marchandise mais un rapport social. En ce sens, la quantité finale de ce salaire dépend en dernière instance du rapport de force entre capital et travail : "la bataille pour la redistribution" à laquelle l’économiste polonais Kalecki fait référence. (...)
Il faut mettre fin au processus de concentration des revenus et des richesses. Des mesures actives en ce sens sont nécessaires non seulement pour permettre la redistribution mais aussi un accès plus équitable aux sources d’obtention des revenus. C’est ainsi que s’attaquer aux inégalités est indispensable pour mettre fin à l’actuelle spirale de l’endettement. Les deux phénomènes que sont les inégalités et le surendettement faisant partie d’un même processus. Annuler les dettes illégitimes doit supposer une rupture définitive du système dette. Il s’agit d’un processus dans lequel les élites captent des rentes avec lesquelles elles prêtent au reste de la société, qui se retrouvent alors plus appauvris et soumis en tant que débiteurs au remboursement de ces prêts.