
Il n’est pas un jour, pas une conférence internationale, pas un reportage sur le monde économique financier sans que le Fonds Monétaire International n’apparaisse comme l’oracle de l’orthodoxie et l’expert du rétablissement des grands déséquilibres. Mais cette fonction est elle inscrite dans les textes, dans la nécessité et dans la pertinence ?
Avant même la fin de la seconde guerre mondiale, le système monétaire et financier international était dévasté. Recréer les flux de commerce international et les systèmes financiers et monétaires afférents dès après la guerre était devenu indispensable et particulièrement urgent. Sous les auspices de l’ONU (eux-mêmes en cours de création) et sous la férule des États-Unis, seul pays encore à peu près vraiment debout après le séisme de la guerre mondiale, le Fonds Monétaire International fut créé en juin 1944 lors de la conférence de Brettons Woods qui se déroula dans le New Hampshire. John Maynard Keynes y prôna l’audace ; on y décida une timide demi-mesure. (...)
Selon un ballet bien réglé la stabilité du système international fut alors assurée pendant plusieurs décennies mais la suspension de l’étalon or et de la convertibilité du dollar par Richard Nixon en août 1971 détermina la fin d’une ère de stabilité.
De fait, le Fonds Monétaire International cessa d’exister ce jour-là. Ou plus exactement il cessa d’exister sous la forme qu’on lui connaissait jusqu’ici. Le système monétaire international n’étant plus stable, il n’y avait plus ni besoin, ni possibilité de le stabiliser. Le FMI ne le pouvait pas, ne le pouvait plus.
Comme le droit public économique international a horreur de supprimer ce qu’il a créé, on laissa le FMI subsister en allant chercher dans ses statuts sa partie la plus générale et la plus généraliste pour désormais la mettre en exergue.
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La première phase du redéploiement du FMI fut celle de gendarme délégué du monde : le FMI, envoyé par les pays riches était chargé d’énoncer les mauvaises recettes pour sortir de la crise aux pays qui se trouvaient dedans : gel de salaires, licenciements, austérité, blocage des prix, réduction de la dette. Les pays à genoux devaient se soumettre au régime sec imposé par le FMI au nom des pays prêteurs. Le FMI envoyait ses spécialistes en Argentine et celle-ci devait faire ce qu’on lui disait, tout ce qu’on lui disait. La sanction du refus éventuel des pays concernés était la faillite. La solution ne pouvait être que celle du FMI.
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La seconde phase, c’est-à-dire la troisième jeunesse du FMI, est née de la crise des subprimes. En 2007, le Fonds Monétaire International est devenu les go between des les riches pays de la planète en cours de dévastation financière. Le FMI engage à la solidarité financière, puis à la rigueur, puis à l’orthodoxie comptable et financière issue de Bâle 3. (...)
Depuis, la crise de la dette américaine, puis grecque, puis celle de l’Euro ont donné par défaut au FMI un rôle de baroudeur des mers déchainées de la crise monétaire et financière. Dans toutes les réunions le FMI est là. Pour quoi faire ? Nul ne le sait vraiment.
Pour recevoir des fonds et les redistribuer ? Sans doute. (...)
Mais il n’échappera à personne qu’en plus de la crise financière généralisée on assiste aujourd’hui à une véritable crise d’identité du Fonds Monétaire International. Vantant hier la recapitalisation des banques et l’austérité budgétaire, le FMI s’aperçoit aujourd’hui du fait que ces deux mesures contribuent à créer l’étranglement des liquidités qu’elles veulent prévenir. Le FMI fait donc marche arrière, sans le dire, tout en le disant.
A la décharge du FMI, il faut bien dire que les autres institutions et certains gouvernements non plus ne savent plus quoi faire.
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